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A Plan-les-Ouates, l’équation Latifa Djerbi

Publié le 14.01.2016

 

Après Purée de Karma et Ripaille!, l’Espace Vélodrome de Plan-les-Ouates reçoit à nouveau la comédienne genevoise Latifa Djerbi le 21 janvier avec son seule en scène intitulé L’improbable est possible, j’en suis la preuve vivante. Sur un ton sans emprunt, cette professeure ès mathématiques (qu’elle a été dans une première vie) en utilise par moment le langage universel pour toucher l’individualité de chacun. Car cette femme, née de deux cultures, cherche sa place dans une société toujours plus en décalage avec l’humanité, dont chaque membre est une minorité à lui seul.

 

Latifa Djerbi naît à Angers en 1971 de parents tunisiens. En parallèle à des études de mathématiques, elle s’y forme au conservatoire d’Art Dramatique. Elle vient à Genève en 1998 et y rencontre Frédéric Pollier lors d’un stage au théâtre du Grütli. La comédienne travaillera huit ans à ses côtés. En 2001, elle lance sa propre compagnie, Les Faiseurs de Rêves, fondée avec Marie Probst. Neuf spectacles y voient le jour, dont Les Milles et Lune Nuits… Une Odyssée (2001), Purée de Karma (2010), Misères domestiques d’après Franca Rame et Dario Fo (2008) et Liberté à Brême de Rainer W. Fassbinder (2012). En résidence artistique au Théâtre Saint-Gervais en 2013 et 2014, Latifa Djerbi y a travaillé à l’écriture de deux spectacles L’improbable est possible, j’en suis la preuve vivante et TIPES avec Jacques Livchine, homme de théâtre depuis plus de 40 ans, pionnier du théâtre de rue français.

 

 

En tant que professeur de mathématiques, il y avait statistiquement peu de chances que vous créiez un jour un spectacle d’humour. Et qui plus est avec des mathématiques!?

Je cherchais, avec Jacques Livchine qui m’a aidée à créer ce spectacle, le fil rouge de la pièce qui me permettrait de parler de la difficulté de trouver sa place dans le monde. Il nous est alors apparu que ce qui composait ma vie pouvait s’écrire sous forme d’équation mathématiques. Un exemple, depuis 17 ans en tant que comédienne exerçant à Genève, je peux dire que: SS (comme Sans Scrupule), multiplié par le Nombre de Théâtre (NT), plus ma Place au Travail (PT), à quoi, comme je travaille principalement dans la cuvette genevoise, j’ajoute (KK), est égal à Talent, parce qu’il en faut un minimum, plus Travail, c’est très important, additionné de Copinage, ça c'est essentiel, de cuissage, ça facilite plus ou moins et de la Valeur Aléatoire Chance (VACH) et là ça me concerne plus. En équation: SSxNT+PT+KK=Talent+Travail+Copinage+cuissage+VACH

 

Le slam et la danse sont d’autres de vos passions que vous intégrez au spectacle.

J’adore aller au café slam à Lausanne quand j’en ai le temps. Le slam est un art que j’apprécie particulièrement et que j’associe volontiers au monde du conte qui fait partie intégrante de mon univers aussi. Dans L’improbable est possible, j’en suis la preuve vivante, on distingue trois types de langage: simple, mathématique et poétique. Ce spectacle et son écriture particulière m’ont amenée à transposer poétiquement quelques passages par le biais du slam. Mais cette pièce questionne l’amour et la séduction, notre place dans le monde du travail, notre appartenance culturelle ou encore notre rôle de parent. Pour la danse, j’aime la danse mais je ne suis pas du tout danseuse, je n’en dis pas plus…

 

Comme le souligne votre «sage-homme» accoucheur de texte Jacques Livchine: «L’intime est subversif». Comment êtes-vous allée au-delà de l’humour facile qui guette chaque humoriste?

On est dans un monde où on vous dit que tout est difficile: trouver une place en crèche à votre enfant, trouver une bonne place de travail, etc. Ce discours cynique enlève beaucoup l’énergie d’agir. Si je l’avais suivi, je ne ferais pas de spectacles. J’ai cru en mes rêves et je me suis mise en marche. Dans la pièce j’apparais un peu comme une sorte de savant fou. J’ai beau essayer de ne pas déborder du tableau noir, l’enthousiasme l’emporte et c’est beaucoup de joie. L’intime est subversif et c’est en cela qu’il rejoint l’universel: à travers le spectacle je vais de l’égocentrisme à l’allocentrisme, offrant de quoi se questionner.

 

 

Déjà abordé dans Purée de Karma, le thème de la double culture qui vous caractérise est un des sujets où «vous ne trouvez pas votre place».

Dans Purée de Karma je traitais surtout la place de la femme en général. Par rapport à la double nationalité, je ne me reconnais nulle part dans aucune culture: je suis née en France de parents tunisiens et j’habite Genève depuis 17 ans; je suis effectivement une minorité à moi toute seule, comme je le dis dans le spectacle, comme chacun l’est par essence.

 

Ce spectacle est en tournée depuis deux ans, l’avez-vous modifié au fil des événements terroristes qui se sont succédé?

Il y a effectivement un moment où je parle de cela et lorsque nous débutions l’écriture il y a trois ans, ni moi ni Jacques Livchine n’aurions imaginé que cet aspect puisse devenir d'une telle actualité. Je pose la question à un moment donné: est-ce ma faute à moi si les tours se sont écroulés, si Charlie Hebdo, si le Bataclan, et la liste ne cesse de s’allonger. On est nombreux à se sentir citoyens du monde, pas des étiquettes-clichés relayées par des media de masse qui alimentent nos peurs. L’improbable est vraiment possible, alors: plus d’argent pour la culture, plus de rêve, plus d'autodérision, plus de vie. Ce spectacle touche les gens de tous milieux, de toutes origines et de tous bords politiques. Ce spectacle leur parle à un autre niveau, celui de l’intime, en un hymne à la liberté, à l’affranchissement et à la joie.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

L’improbable est possible, j’en suis la preuve vivante de et par Latifa Djerbi

Plan-les-Ouates le 21 janvier 2016 à 20h00
Renseignements et réservations au +41.22.884.64.60 ou sur le site de la commune www.plan-les-ouates.ch/culture

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