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Au Loup, donner du sens à sa vie

Publié le 04.11.2016

 

Pierre Anthon a quitté la classe pour aller se percher dans un prunier, déclarant que la vie n’avait aucun sens parce que tout commence pour finir. Et parce que Pierre Anthon ne cesse de vouloir démontrer aux autres élèves que rien n’a de sens, Agnès et ses camarades décident de lui prouver le contraire. Ainsi naitra le Mont de Signification où chacun est chargé de déposer quelque chose qui justement a un sens! Mais bientôt ce jeu-là mènera à l’irréparable…

La dernière création maison de la compagnie du Théâtre du Loup s’intitule Rien, titre éponyme du roman à succès de Janne Teller adapté pour la scène par Ludovic Chazaud avec la collaboration de Marie Probst et Rossella Riccaboni. Menée par treize adolescents de 14 à 18 ans, cette pièce questionne le sens de la vie, l’adolescence et les dérapages de notre société, s’adressant à un public large. Fidèle aux productions du Loup, la musique sera très présente. Composée par Alexis Gfeller et Cédric Simon, elle sera jouée en direct par les jeunes acteurs. Le metteur en scène Ludovic Chazaud nous parle de la pièce qui est à voir au Théâtre du Loup jusqu’au 20 novembre.

 

 

Le monde de l’enfance l’a toujours fasciné et surtout le lien qu’on entretient avec lui une fois qu’on en est sorti. De son travail de mémoire intitulé Jeu d’enfants pour jeu d’acteurs, en référence au pédiatre, psychiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott qui, sur les pas de Freud, développa ce lien entre jeu et créativité chez l’enfant, il poursuit ses recherches depuis sept ans avec la compagnie Jeanne Föhn dont il est le directeur artistique. «Même lorsque je travaille avec des adultes, nous commençons par un jeu tel que le loup, pour comprendre que raconter est une forme de jeu qui existe depuis toujours, et, à cette image, j’aime que le plateau soit au départ une cour de récréation. En se reliant à son enfant intérieur on lève les limites et les frontières pour retrouver la passion des débuts.»

 

Diplômé de la Manufacture en 2009, vous intervenez au Théâtre du Loup depuis deux ans en tant que professeur des ateliers théâtre adolescent. Qu’est-ce que vous appréciez tout particulièrement dans cette fonction?

Quand nous avons l’habitude de travailler avec des professionnels, œuvrer auprès d’adolescents offre une rafraîchissante remise en question tant dans la pratique du théâtre que dans les aspirations qui m’y ont amené quand j’avais leur âge. Le théâtre m’offrait tant de réponses aux questions que j’avais. Au Loup, lorsque nous travaillons les textes, ceux-ci sont abordés de manière très approfondie et en lien aux thématiques de société qui les touchent particulièrement et qu’ils souhaitent fouiller.

 

Comment votre choix s’est-il porté sur le roman de Janne Teller?

De concertation avec Marie Probst et Rossella Riccaboni, plusieurs textes ont émergé en vue de cette nouvelle création (Ndlr: tous les deux ans depuis 1995), dont ma proposition d’adapter le roman de Janne Teller au théâtre, un roman marquant que j’avais lu il y a quelques années. Ce dernier l’a emporté, tant par son contenu, qui poursuit des thématiques chères aux adolescents, que par sa large distribution où chaque rôle permet aux treize comédiens en herbe de déployer leur parole.

 

 

Les jeunes ont-ils influé sur l’écriture dans le choix de certains termes?

Tout à fait. Mon travail d’écriture a consisté à construire chaque scène comme je souhaitais qu’elle se raconte avec ses dimensions poétique et dramatique avant de les soumettre au groupe à l’improvisation avec leurs mots. Par la suite j’ai intégré leurs expressions au texte, rendant cette pièce toujours plus contemporaine et en prise avec leurs temps. Dans ce sens, le texte est encore modifié à quelques jours de la première et pourra l’être encore à l’avenir. Pour moi au théâtre rien n’est figé ni parole d’évangile, et à l’inverse de ce que leur demande l’école, il ne s’agit pas seulement de pouvoir mémoriser et débiter par cœur les choses, mais plutôt de ce qu’on en fait et du sens qu’on leur donne personnellement. En remettant toute la création entre leurs mains, c’est-à-dire le jeu, mais aussi la technique (vidéo, son, construction d’une scène), nous souhaitions faire écho au texte en les rendant responsables de l’histoire qu’ils racontent de A à Z.

 

S’il est question du sens de la vie et de la valeur du groupe humain, on y découvre également la bêtise dont ce dernier peut aussi faire preuve. Comment les jeunes ont-ils appréhendé cette vision un peu désespérante du monde des adultes?

Ils ont reçu la pièce par petit bouts, à la manière d’une série télévisuelle et de la même manière ils se sont rapidement crochés aux personnages et à leur évolution. Au départ, le texte les a frappés par sa violence. Une violence qu’ils ne rejettent pas, puisqu’elle est bien réelle. La violence fait partie de l’humain, d’ailleurs, dans la plupart des jeux d’enfant l’issue est fatale. Dans le jeu du loup, il s’agit bien de ne pas se faire manger par celui-ci. Et, poussés à l’absolu, tous les jeux d’enfants deviennent malsains. Nos acteurs l’ont bien compris et savent qu’avec cette violence ils doivent raconter l’histoire avec joie et humour.

Pour ces jeunes gens âgés de 14 à 18 ans, cette période de leur vie est importante puisque dans notre système éducatif tout se joue pendant ces années d’études où nos choix vont déterminer une partie de notre avenir professionnel. Et ces questions trottent dans leur tête comme un cheval fou. Aussi, cette pièce se fait le miroir d’un rite de passage vers l’âge adulte, ce moment où on comprend qu’on doit trouver le sens qu’a notre vie, leur donnant la compréhension que chaque situation radicalisée abrite un espoir de changement, à commencer par ce pouvoir de se questionner soi-même, devenir ce que nous sommes. Dans Rien, l’auteure se joue d’un glissement sémantique entre sens et valeur, car la vraie valeur est celle de la réflexion autour du sens.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Rien, une pièce mise en scène par Ludovic Chazaud avec la collaboration de Marie Probst et Rossella Riccaboni. Théâtre du Loup à Genève du 4 au 20 novembre 2016.

Renseignements et réservations au +41.22.301.31.00 et sur le site www.theatreduloup.ch

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