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Baiju Bhatt & Red Sun: un soleil pour JazzContreBand

Publié le 25.09.2020

 

Le violoniste Baiju Bhatt et la formation Red Sun seront très présents au fil du festival JazzContreBand (à suivre du 1er au 31 octobre), avec quatre concerts au programme. Une coproduction de JazzContreBand permet par ailleurs au groupe de bénéficier d’une résidence à Château Rouge, à Annemasse, pour la création de nouveaux morceaux. Depuis sa création il y a plus de 5 ans, Baiju Bhatt & Red Sun séduisent et épatent avec un jazz tourné vers l’Orient, le plus souvent vers l’Inde. Et incarnent un jazz moderne, ouvert sur le monde, à même d’absorber et d’assimiler les influences les plus diverses.

Dans ces projets, le violoniste assume pleinement sa double appartenance culturelle. Il évoque ici la démarche d’un groupe qui s’inscrit dans la durée, les «secrets» d’une formation qui excelle partout où elle passe, et les promesses d’un deuxième album attendu plus personnel et plus dépouillé.

 

 

A l’écoute de votre groupe, la qualité du son, la cohésion de l’ensemble frappe d’emblée. Cela a toujours été le cas?

Il y a plusieurs réponses à cette question. Premièrement, il y a une composante très arrangée, très fouillée dans notre musique. Nous conservons des espaces de liberté, mais nous avons beaucoup travaillé cette unité et cette cohérence.
Le second paramètre, c’est la complicité que j’ai développée toutes ces années avec le saxophoniste Valentin Conus. Il a un parcours atypique, et assez exceptionnel, étant autant à l’aise dans la musique classique occidentale contemporaine que dans le jazz et les musiques du monde. Il a une technique qui nous permet de jouer véritablement en section. Pour quelqu’un qui comme moi joue d’un instrument à cordes, c’est très agréable. Il arrive que nos sons se fondent l’un dans l’autre, et c’est une recherche que l’on poursuit depuis des années.

 

 

Ce travail, le fait que vous avez joué ces morceaux des années avant d’enregistrer Eastern Sonata joue-t-il aussi un rôle?

Effectivement, c’est le cas pour la plupart des morceaux qui figurent sur l’album. Et… tant mieux si cela s’entend! Chaque fois que nous jouons un morceau, c’est l’occasion, le prétexte pour le retravailler, le mettre à jour, ajouter ou soustraire une partie, travailler le son et affiner les arrangements. Ces derniers évoluent constamment.

A l’inverse, il y a un ou deux morceaux qui n’avaient jamais été joués avant d’être enregistrés. Je pense notamment à la dernière pièce de l’album, Song For Little Shai. Une composition basée sur un raga de l’Inde du Nord, que mon père, le sitariste Krishna M. Bhatt m’avait montré à New York, où je lui rendais visite, juste avant mon départ. Et je l’avais réarrangé quelques heures après dans l’avion qui m’amenait au studio, en Suisse, où j’avais rendez-vous le lendemain avec les musiciens - dont certains se rencontraient pour la première fois. Ce fut un pari assez risqué, mais qui au final est une de mes plus grandes satisfactions sur cet album.

 

Comment évoquer les avantages du travail d’un groupe et d’un répertoire dans la durée?

Cela permet d’être en confiance avec les autres musiciens. Si j’amène un morceau déjà très écrit et très arrangé, il y a la certitude que mes estimés collègues auront beaucoup travaillé dessus en amont. Et si au contraire le morceau est plus libre, plus ouvert, je sais qu’ils vont s’en emparer et s’y investir.
La genèse de ce groupe remonte à mes études à la Haute Ecole de Musique de Lausanne (HEMU). J’avais présenté ce projet pour mon Master, et notre travail avait été récompensé par un prix d’excellence. Sur les quatre étudiants et l’enseignant qui étaient de la partie au début, nous sommes encore trois – par contre, nous sommes tous toujours unis par une franche camaraderie!

 

 

Donc, tout permet d’espérer un nouvel album en studio.

Absolument. La série de concerts prévues dans le cadre du Festival JazzContreBand fait partie de ce processus! La Coproduction JazzContreBand qui nous est attribuée cette année va nous permettre de travailler en résidence à Château Rouge, à Annemasse. Pour justement créer ce nouveau répertoire qui va donner lieu au prochain album. Nous sommes actuellement en pleine phase de composition, et nous serons donc en création en octobre. L’idée est de renouveler le répertoire, et d’aller encore plus loin dans le travail de notre univers sonore. Les concerts dans le cadre du festival sont intégrés dans une grande tournée européenne d’une quinzaine de dates jusqu’à février. On croise les doigts pour que les concerts soient maintenus…

 

Dans quelles directions vous porte aujourd’hui l’inspiration.

C’est davantage une dynamique d’approfondissement. Eastern Sonata était une forme d’explosion dans plusieurs directions différentes. Le prochain album sera l’occasion de présenter quelque chose de plus cohérent, afin d’obtenir un disque plus personnel, peut-être un peu plus dépouillé et élégant. On va se faire plaisir! Ce sera une ode au métissage et aux générations futures, intitulé People of Tomorrow.

 

La rencontre avec la musique orientale est un phénomène qui existe dans le jazz – et dans la pop – depuis des décennies. Quelle est votre approche?

Il est toujours intéressant d’observer, dans chaque expérience du genre, à quel niveau la rencontre s’opère. Souvent, il s’agit davantage d’une superposition de deux territoires, et le résultat n’est pas vraiment une rencontre mais plutôt une sorte de stratification. Ce qui nous intéresse, c’est d’aller chercher dans le coeur de la matière, et de voir comment on peut, par exemple, assortir un mode – traditionnel ou inventé de toute pièce, basé sur une conception horizontale de la mélodie et l’ornementation – avec l’harmonie du jazz d’aujourd’hui, verticale et polymodale. Et donc vraiment imbriquer, fusionner le coeur de la matière pour obtenir une musique peut-être plus expérimentale, mais certainement plus personnelle.

 

 

Plusieurs des invités sur votre disque se sont illustrés dans cette exercice.

Ce sont des héros de mon histoire musicale, dont j’admire le travail depuis longtemps, qui sont devenus des mentors, voire des grands frères parfois. Ils ont chacun opéré et vécu cette fusion à leur manière, avec maestria et une certaine flamboyance, apportant des réponses personnelles à ces questions de musique et d’identité hybride, entre Orient et Occident. Nguyên Lê, Krishna M. Bhatt, Prabhu Edouard… je nous inscrirais volontiers dans cette lignée, dans cette filiation-là!

 

Vous travaillez entre le jazz et les musiques du monde, surtout indienne. Mais vous considérez-vous encore comme un groupe de jazz?

Dans notre esprit comme dans nos références, nous sommes complètement un groupe de jazz! C’est un genre protéiforme doté d’une capacité illimitée d’absorber plusieurs influences. C’est également une musique jubilatoire, à l’énergie débridée, où l’aspect dansant est primordial, ainsi que l’improvisation et l’interaction entre les musiciens. Une musique pleine d’humour, d’irrévérence, voire de roublardise. Ce qui est tout à fait notre démarche.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Baiju Bhatt & Red Sun
Baiju Bhatt, violon - Valentin Conus, saxophones - Mark Priore, piano - Blaise Hommage, basse électrique - Paul Berne, batterie

En concerts dans le cadre du Festival JazzContreBand 2020 - PROGRAMME COMPLET
le 9 octobre à la Comédie, Ferney-Voltaire (FR)
le 10 octobre au Chat Noir, Carouge
le 16 octobre à Jazz Station, Sierre
le 17 octobre à l’OCA, Bonneville (FR)

Autres concerts dans la région:
le 12 novembre au Festival Jazz aux Carrés, Annecy (FR), feat. Nguyên Lê
le 13 novembre à l’Auberge des Vergers, Meyrin
le 14 novembre au CityClub, Pully, feat. Nguyên Lê
le 5 janvier 2021 à Château Rouge, Annemasse (FR)
le 6 février 2021 à L’Azimut, Estavayer-le-Lac, feat. Nguyên Lê

Eastern Sonata, label QFTF, Berlin

 

Photo Baiju Bhatt © Emmanuelle Nemoz

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