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Etrange Bâtie

Publié le 07.07.2015

 

Gisèle Vienne donne son supplément d’étrangeté à la 39ème édition du Festival de La Bâtie

 

La 39ème édition du festival genevois convoque la fascinante Gisèle Vienne et ses univers étranges. L’occasion de revenir sur quelques jalons de son singulier parcours de chorégraphe, metteure en scène et marionnettiste. Sans manquer d’ausculter les troubles de la perception ni les bizarreries sociétales et familiales avec entre autres deux géants de la scène contemporaine, Thomas Ostermeier et Angélica Liddell. On retrouvera aussi les Romands Yan Duyvendack, Maya Bösch ou Philippe Saire là où on ne les attendait pas. Idem côté musique avec Stephan Eicher. Aiguillage dans ces ambiances surprenantes où il fera bon plonger du 28 août au 12 septembre.

 

 

« Cette année, quelques fantômes vont traverser La Bâtie », annonce sa directrice Alya Stürenburg Rossi, dont la 39ème édition du 28 août au 12 septembre se démarquera sous le sceau de l’étrangeté. Un choix étonnant ? Pas vraiment, si l’on considère que le festival genevois des arts de la scène contemporaine s’est construit autour de la personnalité même de l’artiste invitée cet été. Après le chantre du théâtre documentaire Milo Rau l’an passé, Gisèle Vienne, metteure en scène, chorégraphe et plasticienne au singulier background de philosophe et de marionnettiste nous fera « traverser le miroir ». « Fer de lance de l’inquiétante étrangeté », concept cher à Freud, elle construit pour sa part des mondes oniriques. Fan du sulfureux Georges Bataille, l’artiste franco-autrichienne née en 1976 fascine par les troublants univers qu’elle met en scène. Subversive Gisèle Vienne ? Son physique angélique ne laisse rien paraître.

 

Transgressive Gisèle Vienne

Il y a deux ans au cours du festival de La Bâtie, elle signait avec son équipe une pièce atypique The Pyre (Le Bûcher). Sur chaque siège du théâtre un livret de quelques chapitres rédigés par son dramaturge Dennis Cooper attendait le spectateur. Mais la subversion ne résidait pas tant dans l’écriture d’une face sombre et perverse de l’humain, souvent associée à une quête de désir morbide. Non, cette fois-là, la transgression était purement formelle. Le but étant de pousser plus loin encore le rapport entre scène et texte. Car sur le plateau où grondaient des LED et une électro hallucinante se déroulait seulement la fin de l’histoire. Libre à chacun de chercher (ou non) son début dans la lecture des premiers chapitres de l’intrigue de Cooper, une fois de retour chez soi. La scène comme l’ouvrage cultivaient quoi qu’il en soit l’ambiguïté du lien, possiblement incestueux, entre une femme, la danseuse culte de Gisèle Vienne, Anja Röttgerkamp, et un jeune garçon. Deux personnages que l’on croisera dans le court-métrage Brando de Gisèle Vienne, projeté à la Maison communale de Plainpalais, lieu central du festival.

 

Enigmatique forêt

Présenté en ouverture vendredi 28 août, This is how you will disappear ne partagera pas grand-chose avec The Pyre. Si ce n’est ce même trouble savamment entretenu à la lisière de l’indicible, ici dans une somptueuse forêt énigmatique habitée par une rock star suicidaire. Une « hallucination scénographique » entre magie (noire) et épouvante. La musique sera aussi signée de ses fidèles comparses du groupe KTL, Stephen O’Malley et Peter Rehberg, alias Pita. Ce dernier se produira en concert solo à la Cave 12 le 2 septembre.

 

Marionnette et ventriloquie

Gisèle Vienne renouera ensuite avec un tout autre pan de son travail scénique, celui de la marionnette, toujours aux côtés de son acteur fétiche Jonathan Capdevielle. Dans le déroutant Jerk, le Pyrénéen s’illustrait déjà dans l’art de la manipulation et de la ventriloquie en incarnant des adolescents happés par une soif meurtrière et lubrique. Avec huit autres marionnettistes issus de la prestigieuse Puppentheater de Halle, on le retrouve aujourd’hui dans les coulisses fictionnelles de la plus grande rencontre professionnelle de ventriloques avec The Ventriloquists Convention. Ce qui ne l’empêche pas de rouler sa bosse de son côté en se mettant en scène dans des pièces inspirées des non-dits familiaux comme Saga, programmée les 7 et 8. Enfin, au Centre d’art contemporain, l’artiste multifacette qu’est Gisèle Vienne exposera des photos des célèbres poupées adolescentes qu’elle a elle-même conçues pour ses spectacles.

 

Troubles de la perception

Côté danse, on ne manquera pas Vacuum, pièce du chorégraphe lausannois Philippe Saire. Une époustouflante composition de vingt minutes seulement jouant sur l’apparition et la disparition physiques de deux danseurs. En grand maître de la peinture flamande ou à la mode de Bacon, Saire orchestre comme sur une toile une palette d’effets visuels saisissants grâce à son ingénieux dispositif scénique donnant l’illusion de corps suspendus dans le vide. On pourra enchaîner sur ce thème des troubles de la perception visuelle avec le TAO Dance Theatre venu de Chine, la jeune Taïwanaise Wen-Chi Su ou le Français Vincent Dupont et son Stéréoscopia.

 

Dysfonctionnements sociétaux

Dans une veine dédiée aux dysfonctionnements sociétaux, le Romand Yan Duyvendak a choisi la comédie musicale pour évoquer la décadence du monde. Sur des textes de Christophe Fiat et une chorégraphie d’Olivier Dubois – qui présentera Mon Elue noire où Germaine Acogny apparaîtra dans une boîte comme un spécimen exotique -, The Sound of Music promet un grand moment scénique avec sa quarantaine de danseurs débarquant de Broadway sur le plateau du Théâtre Forum Meyrin. Autre création attendue, celle du Français Vincent Thomasset qui s’attaque au productivisme après avoir donné un sérieux coup de jeune à la pièce Arsenic et vieilles dentelles. Ses Lettres de non-motivation ne devraient pas non plus manquer de piquant, entre absurde déconcertant et reformulation du langage.

 

Désordres familiaux

Le bizarre imprégnera aussi le cercle familial, passé au crible par le dramaturge suédois Lars Norén. Thomas Ostermeier, géant du théâtre allemand, monte ses Démons, photographie contemporaine de la déchirure de couples de trentenaires. Des figures féminines traverseront également cette Bâtie. L’indomptable Angélica Liddell nous revient pétrie d’un amour divin avec sa Primera Carta de San Pablo a los Corintios. Continuant de jeter des ponts entre l’Antiquité et notre réalité, la Genevoise Maya Bösch, récemment couronnée d’un Prix suisse de théâtre, mettra en scène la révolte et l’exil de sept femmes sur l’électro de Vincent Hänni autour d’un texte d’Eschyle. Côté musique, le solo du Nord-Irlandais Neil Hannon de The Divine Comedy ou les automates convoqués par Stephan Eicher dans la salle refaite à neuf de l’Alhambra ne manqueront pas non plus de surprendre.

 

Cécile Dalla Torre

 

La Bâtie - Festival de Genève du 28 août au 12 septembre 2015. Découvrez le programme en détail sur leprogramme.ch ou sur le site du festival www.batie.ch

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