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Flowers Soft Power

Publié le 27.08.2024

Présentée par la Beaver Dam Company le 31 août 2024 à la Salle du Lignon, Flowers, la dernière création d'Edouard Hue, s'annonce comme une expérience chorégraphique où la simplicité et la profondeur s’entrelacent. Pour offrir un spectacle à la fois léger et poignant.

Cette œuvre marque une nouvelle étape dans le parcours créatif de l’artiste, qui après une décennie de recherche et de création, choisit de revisiter son langage artistique avec une fraîcheur renouvelée. En collaborant avec quatre interprètes, Hue explore des formes encore peu utilisées dans son répertoire – sauts, tours, partnering  tout en interrogeant les limites physiques et émotionnelles des corps.

Flowers se déploie comme un jardin de mouvements où chaque geste, chaque interaction, incarne une éclosion, une célébration de la vie. Cette pièce, construite autour d'une dramaturgie épurée, se distingue par son harmonie et sa vivacité, plongeant le public dans une continuité émotionnelle et sensorielle.

Ses interprètes, véritables bourgeons humains, s'épanouissent sur scène en symbiose avec l'espace et les énergies environnantes, matérialisant l'idée d'une renaissance perpétuelle.

Avec Flowers, Edouard Hue renouvelle non seulement sa démarche artistique, mais il réaffirme aussi son engagement envers une danse contemporaine audacieuse, capable de transcender les conventions techniques pour atteindre une forme de liberté pure et joyeuse.

Jouant sur une intense physicalité et fluidité, la pièce se présente ainsi comme une ode à la simplicité, une invitation à goûter aux plaisirs du mouvement, tout en révélant la puissance et la subtilité d'une chorégraphie en perpétuelle évolution.



Quel a été votre état d’esprit pour cette création?

Edouard Hue: Je suis toujours en quête de sensations. D’où celle d’éprouver une odeur, sentir une fleur. Puis de voir l’impact que cette expérience peut avoir sur nos sens, mémoires et mouvements, notre corps et l’expression moins d’un souvenir que d’une nostalgie.

Cette accroche me semble bien résumer la pièce dans sa totalité, son esprit d’ouverture, son interrogation tant du sens olfactif que de l’instinct. Il y eut aussi l’envie au cœur de notre époque traversée de tensions exacerbées, d’une pièce apaisée, détendue basée notamment sur les odeurs.

Dans le processus de création ont ainsi pu longuement et humer des fleurs chez des fleuristes spécialisés, mais également des bougies ramenant à des senteurs naturelles, matiérées. Par l’expérience des odeurs florales permettant de se sentir libres, il a été loisible aux interprètes de se reconnecter à un sentiment de bien-être tout estival d’un dimanche après-midi à la création.

Être bien dans la compagnie des Autres, reposé.e, dans la plénitude de l’instant qui passe. C’est une sensation que je trouve unique, précieuse et fort rare que l’on peut traverser aussi en contemplant les nuages.



Quelle est la vertu des odeurs pour un danseur et une danseuse?


Celle de participer à débloquer, libérer des sentiments et idées, émotions et situations chorégraphiques. Mais les odeurs participent aussi à dénouer des tensions présentes dans le corps.

Au fil du processus de création, nous nous sommes rendu.es dans des cafés afin de faire du cupping. Ou de la dégustation de cafés ouvrant sur un rituel précis. En d’autres termes, il s’agit de sentir différents cafés, essences, aromates et parfums.

De manière générale, les odeurs restent ancrées dans l’être. Elles sont liées à son identité profonde. Nombre de souvenirs et inspirations ont alors été réactivées, stimulées servant de levier d’états intérieurs à la création. Celle-ci est tissée de sauts, portés et tours. Il est à relever que les sauts me semblent peu utiliser en danse contemporaine, voire plus du tout.

De fait, en décollant les pieds du sol, la chorégraphie rapatrie cette légèreté que le saut peut insuffler.

L’odeur d’un corps peut être ce que nous goûtons et aspirons par la bouche et le nez, une forme d’essence de l’être comme une substance secrète.

Assurément. L’odeur d’un corps peut favoriser le désir de se lier à une personne, de se connecter sous la forme d’un duo ou d’un porté, par exemple. Respirer le même environnement par nos sens avant de transiter par nos corps.

Ensuite l’acte de partager dans la foulée fut singulièrement inspirant pour Flowers. Cela amène une grande inventivité et une force de propositions dans l’état intérieur. Ceci en termes de fluidités, de sauts et de danse en duo, trio ou quatuor.

Le partage se manifeste ainsi autant au plan du mouvement que d’un vécu artistique commun.





C’est-à-dire...

Je précise qu’il s’agit moins ici d’une recherche de mouvement que le fait de renforcer un état d’être souhaité dans la pièce, un mouvement de fraîcheur. L’important est donc l’émotion et l’état de corps produits. Je cherche à amener le public vers cet état corporal apaisé, proche de celui ressenti en humant le parfum.

Quant à eux, les mouvements de la pièce se veulent aériens, parfois comme en suspension, légers, vibratiles, sensoriels et épisodiquement sensuels.

Flowers s’ouvre sur un pas de deux…

La pièce s’ouvre en compagnie d’un duo masculin composé de Lysandre Korelis et moi-même. Il se déploie sur le paysage sonore estival piano-guitare composé par Jonathan Soucasse.

Pour donner suite à une période pandémique, où les contacts entre les êtres furent souvent drastiquement restreints et contraints et voyant l’autre mis à part, il me tenait à cœur d’imaginer une partie d’attraction magnétique entre les danseurs.

C’est une façon de créer une relation plurielle par la danse. Soit une manière urgente de retrouver la sensation du toucher, faire l’expérience d’une grande proximité. Les mouvements se partagent entre douceur et puissance, moment calmes et périodes plus électriques.

Deux hommes créent un moment de leur vie en faisant retour sur l’émotion durant une quinzaine de minutes. Ce pas de deux est suivi d’un autre duo, lui avec Alison Adnet d’abord plus timide et dans un style dansé différent, puis d’un quatuor.

Votre chorégraphie semble inspirée par des concepts scientifiques, la biologie moléculaire et la physique des atomes.

Ce parallèle me parle beaucoup. Il remonte à mes études, il y a une quinzaine d’années.

J’ai toujours été passionné au plan moléculaire par le mouvement double, fusionner et se fissurer. En partant de cette attraction entre les molécules, la danse se base sur l’infiniment petit moléculaire et des atomes. Du coup, plusieurs séquences de Flowers participent de cette envie d’être ensemble, connecté.es.





Vous évoquez aussi la Gare de Shinjuku à Tokyo, la station ferroviaire la plus fréquentée au monde.

Dans ce lieu à multiples niveaux, j’ai adoré me retrouver constamment dans des courbes, flux et flots. Si tout le monde semble connaître sa destination, l’on ne sait où vont les autres. L’ensemble de ces croisements et marches fonctionnent naturellement.

Cela vit constamment sans que personne ne se parle ou se coordonne. C’est d’une simplicité organique exceptionnelle. Il s’agit d’une architecture et d’une organisation complexes forte de multiples galeries, chemins possibles, mais la réalisation est claire et limpide. Aucune question n’est à se poser.

Flowers
s’en inspire. Les relations humaines peuvent être compliquées dans le fait d’essayer de se comprendre et que tout se déroule pour le mieux. Mais au final, l’on ne fait que danser pour cette envie primordiale, essentielle, d’être ensemble. Plutôt que d’échanger par la parole, les choses se font d’elles-mêmes par le corps, les odeurs et le toucher. C’est magique.

Vous chorégraphiez aussi pour des ensembles de ballet...

Ce que j’aime dans mes pièces, c’est qu’elles ne se ressemblent guère de l’une à l’autre. Aux côtés notamment du compositeur Jonathan Soucasse, j’ai réalisé une création, Skinny Hearts, pour le Bayerishes Statsballet à Munich en juillet dernier pour une soirée sous la curation du chorégraphe français historique Angelin Preljocaj

L’idée de la chorégraphie est de partir de personnes qui n’ont rien et ont tout perdu. Elles décident ensemble de se faire un chemin en hiver en progressant par la marche avec des formes géométriques au fur et à mesure afin de s’extraire de leur condition démunie originelle.

C’est un ballet, dont je me suis employé à déconstruire, déstructurer l’alphabet dansant tout en gardant sa force d’élévation, la précision fluide et la légèreté gracile. En témoignent des marches chaloupées et mouvements sur pointes et demi-pointes avec des corps sinueux, des croisements furtifs et brefs touchés. Grâce à une ample partition de marches, la pièce se révèle relativement froide, géométrique et surtout hyper structurée.

Propos recueillis par Pierre Siméon


Flowers
Le 31 août 2024 à la Salle du Lignon, Vernier

Beaver Dam Company - Edouard Hue
Avec Alison Adnet, Alizée Droux, Édouard Hue, Lysandre Korelis

Création - 1ère Suisse
Un spectacle de la Saison Vernier Culture

Informations, réservations:
https://www.vernier.ch/evenements/flowers



* En danse contemporaine, le "partnering" est un échange physique et gestuel entre deux interprètes, basé notamment sur le partage du poids, le contact et l’élan. Cette technique requiert une maîtrise avancée du mouvement, permettant aux corps de se connecter à travers portés, chutes et interactions dynamiques. C’est un dialogue fluide, où chaque geste reflète la confiance et l'harmonie entre les partenaires, ndr.

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