L’Espace Vélodrome à l’heure cubaine

Après avoir évolué au sein du légendaire Buena Vista Social Club, l’immense pianiste cubain Roberto Fonseca se lance seul dans l’aventure de la scène. Entre concert et représentation théâtrale, il rend au jazz ses rythmes originels, oscillant entre sonorités cubaines et créativité explosive. Roberto Fonseca a fait le choix d’un format décalé, où la musique se marie à un décor réfléchi. La mise en scène, tel un écrin indispensable, rend possible le spectacle. Sobrement intitulée robertoSOLOfonseca, la tournée s’arrête à Plan-les-Ouates pour une soirée qui promet d’être exceptionnelle. Portrait et rencontre d’un artiste différent.

Roberto Fonseca voit le jour à La Havane il y a quarante ans. Avec un père batteur et une mère chanteuse, l’enfant grandit dans un environnement musical et cherche très vite à s’emparer des baguettes qu’on agite sous ses yeux. A huit ans, il les délaisse et met son talent au service du piano. La révélation de ne se fait pas attendre: c’est au festival Jazz Plaza à La Havane, âgé seulement de quinze ans, qu’il interprète ses premières compositions et éblouit un public enthousiasmé. Roberto Fonseca intègre alors le réputé Instituto Superior de Arte; il en sort quelques années plus tard, un diplôme de composition en poche.

Les rencontres qui suivent sont décisives. A vingt-et-un ans, il accompagne le chanteur Augusto Enriquez pour une tournée en Italie et étend ainsi sa réputation au-delà des frontières cubaines. En 1997, il fait la connaissance du saxophoniste Javier Zalba. Ils forment alors le groupe Temperamento et enregistrent En El Comienzo, sacré meilleur album de jazz cubain en 1999, lors du festival Cubadisco.

En 2001, Roberto Fonseca rejoint les rangs du Buena Vista Social aux côtés d’Ibrahim Ferrer. Les portes du monde s’ouvrent au jeune pianiste: Amérique latine, Australie, Asie, Europe… Au fil des voyages et des rencontres, il tisse un immense réseau artistique, dont les relations avec les membres de l’orchestre constituent le pilier.

Quittant son statut de mentor, Ibrahim Ferrer se tourne vers Roberto Fonseca pour arranger les compositions de son album Mi Sueño: A Bolero Songbook. L’apothéose d’un lien inébranlable, qui marque l’intime influence du maître sur l’œuvre à venir du jeune homme, mais aussi le nouveau visage de la musique cubaine, entre tradition et créativité.

Roberto Fonseca travaille alors sans relâche. Albums et documentaires s’enchaînent: Zamazu en 2007, Akokan en 2009, Temperamento et Live in Marciac en 2010… sans compter les nombreuses participations du pianiste à divers projets artistiques, telle que la collaboration avec la créatrice Agnès B. Son inspiration semble infinie. Il enregistre à Paris un album qui réunit quinze musiciens cubains, dont le point de convergence est le pianiste lui-même. Le titre est évocateur: Yo, tout simplement «moi» en espagnol. Joué dans le monde entier (plus de cent concerts depuis 2012), cet album représente pour beaucoup l’apothéose de la nouvelle musique cubaine.

En 2015, Roberto Fonseca rencontre la chanteuse malienne Fatoumata Diawara. Ils enregistrent alors l’album At home, suite à leur passage au Festival de jazz de Marciac. Un point d’orgue parmi tant d’autres, un instant de grâce posé sur la courbe étincelante d’une carrière grandiose.

En pleine préparation de sa tournée européenne, Roberto Fonseca s’est arrêté un bref instant pour nous livrer ses impressions sur cette nouvelle étape.

Le nom de Roberto Fonseca est profondément ancré à celui du Buena Vista Social Club. Comment peut-on évoluer personnellement avec un tel héritage?

Me produire avec ce groupe m’a permis de mieux connaître l’héritage culturel de Cuba. Ibrahim Ferrer a su mettre en exergue l’importance des racines musicales cubaines, c’est une chose essentielle. Il est primordial pour un musicien de comprendre d’où vient la musique qu’il joue, aussi bien que les traditions, et ceci depuis les origines. Pour ma part, j’ai toujours essayé de maintenir cet héritage en introduisant ces sonorités dans ma manière de jouer actuelle. C’est le meilleur moyen de faire vivre la musique!

Vous avez déclaré dans les années 1990 «Je veux que ma musique arrive jusqu’aux gens qui ne me connaissent pas, et je rêve un jour de devenir un point de référence pour mon public.» Est-ce que la levée de l’embargo sur Cuba a un impact sur votre carrière, et sur la mission que vous vous êtes donné?

L’impact se mesure à tous les niveaux. Cet évènement politique majeur va permettre aux protagonistes intéressés d’investir dans la musique cubaine, mais aussi faciliter les collaborations entre les artistes cubains et les artistes extérieurs.

La tournée robertoSOLOfonseca est votre première tournée en tant que soliste; quel est votre ressenti lorsque que vous vous produisez seul sur scène?

C’est un projet très intime, mais aussi très intense! Au-delà de la représentation qui place un pianiste derrière son instrument, il s’agit d’un concept original, incluant une partie d’interprétation théâtrale. C’est d’ailleurs cet aspect du concert qui m’a décidé à monter le projet. La préparation mentale et spirituelle est fondamentale pour fournir l’ambiance adéquate à chaque pièce.

Votre dernier album s’intitule At home; que représente le foyer à vos yeux?

Je me sens chez moi partout où ma musique est écoutée et respectée.

Quels sont vos projets pour 2016?

Pour le moment, je me concentre sur la production de mon prochain album. Il représente beaucoup pour ma carrière et j’y mets tout mon cœur. Quand viendra le temps des concerts, je peux vous assurer que le public aura du mal à rester assis! Le répertoire est fait de rythmes et de mélodies qui donneront envie de chanter de danser.

Trois mots qui donneront envie au public de venir vous écouter à l’Espace Vélodrome de Plan-les-Ouates?

La passion, l’élégance et… Cuba!

Propos recueillis par Ophélie Thouanel

Roberto Fonseca en concert à l'Espace Vélodrome de Plan-les-Ouates le 5 novembre 2015.
Renseignements et réservations sur le site www.plan-les-ouates.ch