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L’orgue du Victoria Hall à l’honneur

Publié le 14.03.2017

 

Une prestation musicale atypique se prépare dans les murs du Victoria Hall à Genève. Le 19 mars, la célèbre salle de concert genevoise abritera le résultat d’une fructueuse collaboration entre L’Orchestre de Chambre de Genève et Diego Innocenzi, titulaire de l’orgue du Victoria Hall. Le public aura le plaisir d’entendre des œuvres de Wagner et Hindemith avec l’orgue en invité d’honneur, mais aussi la Symphonie no. 1 de Beethoven jouée par L’OCG. L’occasion rêvée pour les curieux de découvrir le potentiel de cet impressionnant instrument dans un environnement orchestral.

Loin d’être relégué aux églises, l’orgue bénéficie aujourd’hui d’une popularité avérée et se prête à mille aventures musicales. Diego Innocenzi a accepté de nous parler de cet instrument bien particulier, avec passion et érudition!

 

 

Vous êtes organiste professionnel et titulaire de l’orgue du Victoria Hall. Comment vous est venue la passion de cet instrument?

Ça remonte à quand j’étais tout petit, en Argentine, mon pays d’origine. J’ai toujours été attiré par le son de l’harmonium de ma paroisse et passionné par la musique sacrée, notamment le chœur qui chantait chaque dimanche. Un jour, mon professeur de piano de l’époque m’a fait écouter le disque d’un choral de Bach à l’orgue. J’ai été tellement marqué par le son de l’instrument qu’à la fin de chaque cours, je lui demandais si je pouvais l’écouter à nouveau!

À l’âge de 16 ans, j’ai découvert un orgue à tuyaux dans la cathédrale de ma ville. J’ai donc demandé au curé si c’était possible pour moi d’en jouer. J’étais déjà élève au Conservatoire en classe de piano, mais j’avais complètement ignoré l’orgue jusqu’alors. J’ai commencé à prendre des cours. Lorsque j’avais 17 ans, l’organiste de la cathédrale a démissionné et on m’a proposé le poste d’organiste titulaire. Je me suis donc vu attribuer une charge assez lourde, mais passionnante! Je jouais pour des mariages, pour des messes… De fil en aiguille je suis tombé amoureux de l’instrument.

J’ai découvert Lionel Rogg et d’autres compositeurs à travers un magasin spécialisé dans la musique classique, qui vendait des disques d’occasion. À 23 ans, j’ai fait un voyage à Genève et je suis allé écouter un récital d’orgue de Lionel Rogg au Victoria Hall. J’ai pu le rencontrer et, après m’avoir auditionné, il m’a promis une place dans sa classe pour l’année suivante. J’ai donc terminé mes examens de piano en Argentine, puis je me suis ensuite installé à Genève pour étudier avec lui pendant quatre ans. Étudier au Conservatoire à Genève, c’était le paradis pour moi!

Seize ans après mon arrivée à Genève, la Ville m’a proposé le poste de titulaire de l’orgue du Victoria Hall. Depuis trois ans, j’enseigne aussi l’orgue au Conservatoire. Il y a actuellement 17 élèves dans ma classe – la plus grande de Suisse! Les jeunes se sont globalement éloignés des églises, et ne connaissent pas forcément l’orgue à travers ce biais-là. Mais ils le découvrent à travers des concerts, ou lors de journées portes ouvertes. Ce qui est sûr, c’est que le son de l’orgue passionne toujours!

 

L’orgue est un instrument très complexe et extrêmement versatile. Est-ce que de nos jours, on peut jouer n’importe quel type de musique avec un orgue?

L’orgue est un instrument ouvert. Beaucoup de musiciens de jazz ou de compositeurs pop s’intéressent à l’orgue. En septembre prochain, je partagerai les claviers de l’orgue du Temple de Saint-Gervais afin de mélanger pop et classique, dans le cadre du festival de La Bâtie. L’orgue impose évidemment certaines contraintes: la machine en arrière-fond, les claviers, les notes fixes. Il est néanmoins possible de travailler sur l’ouverture du son, de créer une sorte de soufflement. Mais on ne peut pas faire ça sur tous les instruments – ce n’est par exemple pas possible au Victoria Hall.

 

Quelle est la particularité de l’orgue du Victoria Hall, au-delà du fait qu’il est le plus grand du canton de Genève?

L’orgue du Victoria Hall a été pensé comme un orchestre en lui-même. Il prend modèle sur les orgues français de la fin du XIXe, début du XXe siècle. On peut le qualifier d’orgue symphonique. Il a été conçu pour dialoguer avec un orchestre – comme cela sera le cas avec L’Orchestre de Chambre de Genève le 19 mars – mais aussi pour être un instrument d’orchestre, un instrument supplémentaire dans l’orchestre. Enfin, l’orgue peut également jouer tout seul ou soutenir un chœur, en remplaçant totalement un orchestre.

L’orgue peut produire un son très puissant. C’est tout l’art de l’organiste de savoir dialoguer et non pas écraser les autres instruments. Les notes et la musique constituent 50% du travail de l’organiste. Le reste, c’est l’art de la registration, autrement dit l’art de bien faire parler son instrument.

 

 

Vous serez particulièrement à l’honneur dans la pièce Kammermusik no. 7 de Paul Hindemith, car le soliste dans cette composition, c’est l’organiste!

La pièce a été écrite pour l’inauguration de l’orgue de la radio de Stuttgart. Un des soucis majeurs de Hindemith était que l’orgue puisse passer à la radio. C’est pour cela qu’il n'a pas choisi d’écrire la pièce pour des instruments à cordes, mais pour des instruments à vents. Il s’agira donc de l’orgue, lui-même un instrument à vent, qui dialogue avec un ensemble d’instruments à vents. C’est une configuration assez particulière et le résultat est extraordinaire. De plus, cette pièce est assez rarement jouée.

 

Vous jouerez également l’Ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner, transcrit pour orgue. Est-ce difficile de transcrire une pièce pour un orgue?

C’est en effet un exercice extrêmement difficile! C’est une sorte de pari: soit on fait de la pièce une pièce d’orgue, soit on essaie d’imiter l’orchestre. Edwin Lemare, qui a transcrit cette pièce, était un organiste anglais établi aux États-Unis à la fin de XXe siècle. Il était incroyable, il remplissait les salles à lui tout seul en jouant ses transcriptions. Il a fait de cette pièce-ci, l’Ouverture des Maîtres Chanteurs, une pièce d’orgue, une pièce devenue part du répertoire organique.

Pour ma part, je suis très inspiré par l’orchestre, mais je n’essaie pas d’imiter l’orchestre. Sur l’orgue, on n’a pas la souplesse des instruments à cordes ni les attaques d’un hautbois soliste. Je m’inspire donc de l’expressivité de l’orchestre, et j’essaie de transcrire celle-ci en en faisant une pièce d’orgue.

 

Votre concert du 19 mars avec l’Orchestre de Chambre de Genève s’inscrit dans le cadre des Concerts du dimanche. Quel est le principe de ces concerts?

Les Concerts du dimanche constituent un espace de rencontre tout à fait extraordinaire. La ville de Genève y propose une programmation éclectique, qui permet de sortir des sentiers battus. Dans le même temps, cette programmation permet de découvrir ou réécouter des grands classiques à un prix réduit. Ce sont des concerts populaires, dans le bon sens du terme. Ils sont très bien fréquentés, notamment par les gens qui n’ont pas les moyens de payer un abonnement mais qui aiment la musique classique.

J’invite par ailleurs quiconque est intéressé par l’idée de visiter un orgue à s’inscrire à l’une des deux occasions suivantes. Le 8 avril au matin, lors de la journée des portes ouvertes du Conservatoire, le public pourra entrer dans l’instrument, et aussi rencontrer les jeunes organistes. Le matin du 24 juin, lors de la Fête de la musique, il sera possible de visiter le central des orgues du Victoria Hall, de rentrer en quelque sorte dans le ventre de l’orgue. Vos inscriptions sont les bienvenues!

 

Propos recueillis par Marie Berset

 

Diego Innocenzi et L'Orchestre de Chambre de Genève en concert au Victoria Hall le 19 mars 2017 à 17h00.

Renseignements et réservations au 0800.418.418 (+41.22.418.36.18 depuis l'étranger) ou sur le site www.ville-ge.ch

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