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Mon Chien-Dieu au Théâtre du Loup: magie à deux au creux de l’été

Publié le 11.06.2019

 

Avec Mon Chien-Dieu, le Théâtre du Loup appareille du 12 au 16 juin 2019 pour les territoires de la prime adolescence. Dans l’oubli de l’été, une jeune fille et un jeune garçon se rencontrent, commencent à parler et mettent en mouvement un monde très naturellement magique. Pour le metteur en scène Joan Monpart, l’auteure Douna Loup sait faire «papillonner» le temps, et permet aux spectateurs de retrouver une réalité oubliée des adultes. Un monde imaginaire pur et innocent se crée et ondule sur scène, où se croisent une ruine, un chien, des «très-vivants» et quelques peurs intangibles. Ces enfants-là ont aussi leurs problèmes, mais ils apprennent à les transcender dans un grand débordement de couleur bleue.

 

Ce spectacle est-il un révélateur du monde de l’enfance?

La parole est en tout cas donnée à l’enfance. Ici à un garçon et une fille qui ont peut-être 13 ans. L’été est très chaud, tout le monde est parti en vacances, sauf eux. Ils s'ennuient, ne se connaissent pas très bien, mais comme ils n’ont rien d’autre à faire, ils passent du temps ensemble. L’auteure nous fait découvrir leur pacte dans l’imaginaire.

 

Dans Mon Chien-Dieu, il y a un chien qui commence par être mort.

C’est aussi un spectacle qui parle de la perte, de ce qu’on a perdu en chemin: le grand-père du jeune garçon est à l’hôpital, la jeune fille a un secret douloureux. Mais cette inquiétude est très belle dans le texte de Douna Loup, car les personnages la transcendent avec leur imagination, qui leur permet une compréhension naturelle des épisodes de la vie, une compréhension qui me semble fondamentale. Si dehors le monde n’est pas très joyeux, cela ne les affecte pas, ils sont des printemps à eux tout seuls. J’aime aussi la métaphore des truites qui remontent le courant. Cette forme de sagesse touche aussi aux sentiments qui naissent entre eux.

 

Pourtant, deux jeunes abandonnés à eux-mêmes, avec des soucis à la maison, cela peut faire une histoire triste.

Et c’est ce qui est incroyable dans ce texte, c’est justement qu’il n’y a rien de triste. Il y a de la lumière et une très belle mélancolie. Il y a une ouverture vers un autre espace-temps qui permet de rappeler que le monde de la jeunesse se déroule dans un «Temps» différent. Douna Loup évoque le «papillonnement» du temps. Elle touche à la capacité qu’ont les enfants de sortir du métronome qu’imposent les adultes. Ils s’ouvrent alors à des solutions, à des réponses imaginaires à leurs inquiétudes. Je ne veux pas raconter l’histoire, mais la fille trouve dans son imaginaire une forme de guérison.

 

 

Mais cela est montré de manière indirecte.

Ils découvrent un chien mort. Ils décident de l’enterrer, ils créent même leurs propres rites pour une cérémonie. Le lendemain, quand ils retournent sur place, ils voient un chien, vivant… peut-être que c’est le même, peut-être décident-ils que c’est le même. Ils l’appellent Anubis car dans la mythologie égyptienne, c’est le Dieu qui habituellement accompagne les morts. Mais comme eux sont vivants et qu’il les accompagne, ils décident de se nommer: les très-vivants. D’une manière ludique, l’auteure nous invite à entrer dans leur monde, nous montre qu'une amitié qui se lie est aussi, parfois, un amour en bourgeons. Je suis encore désarçonné - et heureux de l’être – par ce texte qui relie l’extérieur à nos mondes intérieurs.

 

Mon Chien-Dieu est une reprise, et ce n’est pas votre première adaptation/collaboration avec Douna Loup.

Nous l’avions joué à l’Arsenic et au Petit théâtre à Lausanne, et à Am Stram Gram à Genève, il y a deux ans. L’auteure a une capacité très personnelle de faire vibrer la réalité, et ici d’évoquer l’acceptation de la perte. Nous avions recueilli à l’époque des témoignages de gens extrêmement touchés après avoir vu Mon Chien-Dieu. J’avais déjà monté Ventrosoleil en 2014 à Am Stram Gram, et je crois que cette expérience a motivé l’auteure. Là, je travaille à un troisième spectacle sur l’un de ses textes…

 

Cette pièce réunit donc deux adolescents, un chien… et de la peinture.

Oui. Avec la compagnie Llum Teatre nous avons beaucoup travaillé avec des projections. Avec ce spectacle j’ai ressenti le besoin d’aller vers la matière. Cela se concrétise avec une grande toile transparente sur laquelle on dessine le décor au fur et à mesure que l’histoire avance. Quand ils se rendent vers ce qu’ils appellent la ruine, ils la dessinent. Ce temps de la peinture – le geste, la sensation du pinceau qui glisse sur la toile – ne nous fait pas rentrer dans la contemplation, mais introduit déjà une respiration assez naturelle qui correspond aussi au texte… Le spectacle est bleu, complètement bleu!

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Mon Chien-Dieu, de Douna Loup dans une mise en scène Joan Mompart est à découvrir du 12 au 16 juin 2019 au Théâtre du Loup à Genève.

Informations et réservations au +41.(0)22.301.31.00 ou sur le site du théâtre www.theatreduloup.ch

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