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Opéra des Nations, nouvelle saison

Publié le 03.06.2016

 


En début d’année, le Grand Théâtre de Genève quittait son bâtiment historique de la place de Neuve et s’installait sur l'autre rive à l’Opéra des Nations. Alcina de Haendel, mis en scène par David Bösh, inaugurait le nouveau théâtre tout en boiseries, dont le taux de fréquentation atteste du réel succès. Au cours de la prochaine saison, on retrouvera le jeune metteur en scène allemand avec Così Fan Tutte de Mozart. L'une des huit productions lyriques qui marqueront la nouvelle programmation de Tobias Richter, à la tête de l'institution. Les ouvrages inspirés par de grandes oeuvres littéraires y trouvent leur place au côté du repertoire baroque avec Il Giasonne de Cavalli et Ba\rock, le premier des trois ballets au programme. Entretien.

 

 

L’Opéra des Nations a ouvert ses portes en février dernier. La saison n’est pas tout à fait finie, mais pouvez-vous déjà tirer un bilan de ces quelques mois, marqués par le plus grand chantier de votre carrière?

Ce n’est peut-être pas le plus gros chantier de ma carrière… Dans mon parcours professionnel, c’est la cinquième fois que je suis confronté à ce type de défi. Il est normal qu’un bâtiment historique tel que celui de la place de Neuve doive être rénové et mis aux normes en vigueur. Mais se pose toujours la question de la durée et de l’option pour présenter les saisons ailleurs. Dans les années 1990, le BFM a été transformé en théâtre pendant la modernisation de la technique de scène au Grand Théâtre. L’idée du Théâtre éphémère de la Comédie française qui a finalement été retenue, m’a beaucoup fasciné. C’est un théâtre comparable à celui du Jorat, à Mézières; il est simple et offre un cadre convivial. La structure nous permet de présenter à notre public une saison normale et d’assurer notre indépendance. Au départ, la fermeture du Grand Théâtre était prevue pour une saison. A présent, les travaux sont programmés pour deux saisons et demie. A l’heure actuelle, l’Opéra des Nations a dépassé les attentes du personnel et des spectateurs qui répondent présents en grand nombre. C’est une chance pour une structure telle que le Grand Théâtre de Genève d’être confronté à de tels défis. Avec Alcina, nous avons atteint un taux de fréquentation d’un peu plus de 90%. Nous ne savions pas si le public allait nous suivre vers ce nouveau site. Mais il a merveilleusement joué le jeu.

 

Comment s’annonce cette pleine saison 2016-2017 à l’Opéra des Nations? On retrouve des fidèles parmi les fidèles comme Olivier Py et Patricia Petibon, qui présenteront Manon.

Il est important de travailler avec des équipes artistiques soudées. J’essaie de construire une programmation cohérente qui se prête à une lecture horizontale et verticale. Il Giasone répond à la Medea de Cherubini de la saison passée par exemple. Cette année, nous présenterons huit productions lyriques et trois pièces chorégraphiques. Nous avons fidélisé un noyau d’abonnés très important. Pour la saison 2013-2014, l’année du Ring, nous en comptions 8600. Dans un paysage où l’archétype de l’abonné est plutôt en voie de disparition, nous sommes à contre-courant d’une tendance générale.

 

La nouvelle configuration de la salle de l’Opéra des Nations vous oblige-t-elle à des remaniements de la programmation?

Au Grand Théâtre, nous présentions six représentations par production. Ici à l’Opéra des Nations, nous en programmons sept ou huit. La salle est plus petite, elle compte 1100 places environ, contre 1500 au Grand Théâtre. Les projets artistiques présents à l’Opéra des Nations permettent d’aborder un répertoire qui nécessiste un cadre plus intimiste. Parmi ceux-ci figurent des oeuvres qui ont un grand attrait dramaturgique et théâtral, comme Manon de Massenet ou Wozzeck de Berg, mais sans pour autant négliger des incontournables de l’univers lyrique tels que La Bohème, Norma ou Così fan tutte. Le lieu permet aussi de présenter des oeuvres à découvrir tels que Der Vampyr de Marschner, dont certaines origines se trouvent au bord du Léman.

 

Une ligne se dessine-t-elle dans la programmation?

Nous avons mis l’accent sur des sujets littéraires du théâtre européen, qui permet de raconter de grandes histoires dans une scénographie plus modeste. Comme par exemple Le Médecin malgré lui cette saison sous la forme du théâtre de tréteau. Avec Manon de Massenet ou La Bohème, nous suivrons cette orientation. Il Giasone reprend en outre la thématique de Médée par un compositeur de l’époque baroque, mais se termine de façon heureuse. Der Vampyr s’inspire également d’un sujet littéraire. Avec Wozzeck, nous présentons une autre grande oeuvre du théâtre européen, mis en musique par Alban Berg, un compositeur du XXème siècle. Elle est devenue une pièce incontournable dans l’histoire de l’opéra. La lecture de Sir David McVicar, le metteur en scène, dans l’esprit du théâtre épique brechtien et selon le principe de l’espace minimal de Peter Brook, fait de ce spectacle un moment clé de la saison.

 

Pour le bicentenaire de la naissance de Frankenstein, on retrouvera le monde gothique de Mary Shelley dans la mise en scène du jeune Chilien Antu Romero Nunes, créateur d’un Don Giovanni participatif et décoiffant. Sa mise en scène de Der Vampyr n’est-elle pas le pari le plus audacieux de votre nouvelle saison?

Antu Romero Nunes possède un talent fou. J’ai vu les dix-sept heures de son Ring sous forme de théâtre parlé, qui étaient remarquables. Ses spectacles sont effectivement une nouveauté pour Genève. Il représente une nouvelle génération d’artistes qui fait preuve d’une grande maîtrise du métier. Il possède aussi une imagination théâtrale magnifique. Nous présenterons également la deuxième mise en scène de David Bösh, qui a inauguré l’Opéra des Nations avec Alcina. C’est l’un des metteurs en scène les plus sollicités de la jeune génération, qui n’a pas encore 40 ans.

 

Vous avez donné carte blanche à Serena Sinigaglia pour Il Giasone. Les femmes sont finalement assez rares dans ce métier. Comment décrire son univers?

Comme dans bien des domaines, c’est moins rare que par le passé. Elle vient du théâtre parlé et a fait preuve d’une patte artistique très forte dans le lyrique. J’ai pu voir ses mises en scène de Carmen et de Tosca qui attestent d’une approche intéressante.

 

Côté ballet, Bach, Rameau et Brahms restent des valeurs sûres?

Nous mettrons en évidence le répertoire baroque, italien et français avec Scarlatti et Rameau, et allemand avec Bach. Ce que nous n’aurions pas pu faire au Grand Théâtre. C’est une musique faite pour un cadre plus intimiste. Nous présenterons deux productions maison, et un spectacle invité, sur le Requiem de Brahms. Martin Schläpfer, l’un des héritiers d’Heinz Spoerli, en présentera une chorégraphie magnifique, sur une grande partition d’oratorio.

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

Découvrez l'intégralité de la saison 2016/2017 du Grand Théâtre de Genève sur leprogramme.ch ou sur le site du Théâtre www.geneveopera.ch

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