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Patrimoine mon amour

Publié le 07.10.2016

 


Le Théâtre des Marionnettes de Genève se dote d’une extension virtuelle invitant les internautes à examiner les trésors des créations qui s’y sont produites dès 1929, alors sous l’impulsion de Marcelle Moynier, soit un total de plus de 1000 marionnettes et de nombreux documents tels que dessins préparatoires, exemplaires annotés de metteurs en scène, photos, extraits vidéo et anecdotes. Intitulée Métamorphoses, en relation avec la saison qui débute, l’exposition, qui inaugure cette nouvelle plateforme accessible directement sur expo.marionnettes.ch, retrace plus de 60 ans de marionnettes à Genève à travers onze spectacles, créant des ponts interactifs entre hier et aujourd’hui, entre formes et techniques.

Par amour du patrimoine, Camille Bozonnet a mis toutes ses compétences et son style au service de la vulgarisation des trésors de nos institutions, comme récemment pour le Musée Ariana à Genève. Après une thèse en littérature médiévale en 2005 à Paris, elle s‘établit en famille à Genève, où elle souhaite exercer un métier «plus en prise avec la réalité». Elle entre comme conceptrice-rédactrice dans une agence de communication, dont elle codirigera le département édition avant de monter sa propre agence deux ans plus tard, concevant des opérations de communication interne et externe liées à la valorisation des patrimoines, notamment à destination des milieux éducatifs et culturels et des publics. Interview.

 

 

Vous dirigez Sous la verrière, un atelier de valorisation des patrimoines matériel et immatériel des institutions et des entreprises. Un bien beau métier?

J’ai fait beaucoup de colloques et d’articles de vulgarisation afin de valoriser et de rendre accessible au grand public la matière sur laquelle je travaillais et ce mouvement vers le public s’est révélé être la direction que je voulais prendre. J’ai imaginé une profession faisant le lien avec mes années de recherche, cette envie de valorisation et de transmission qui me tient à cœur, et une exigence de créativité. En arrivant à Genève, je me suis rendue compte du riche patrimoine des nombreuses institutions qui, du fait de contraintes matérielles ou temporelles, ne peuvent les mettre que sporadiquement en avant. J’ai eu l’idée de proposer à ces institutions une valorisation multisupport et originale de leurs collections et des coulisses du lieu. A mes côtés, Nils Rusillon s’est occupé de toute la partie graphique et technique du site, s’attachant à traduire numériquement la scénographie que j’avais en tête et à programmer la structure de l’exposition. Car d’autres expositions viendront enrichir ce site et dévoiler toujours plus les nombreux trésors que renferment encore les archives du Théâtre.

 

Vous sentez-vous plutôt journaliste ou curatrice?

Les deux, mais chacun intervient à un moment différent du travail consistant à rencontrer une collection et à se l’approprier. La recherche de la documentation, l’organisation de la matière, sa synthèse en fonction d’un axe particulier dépendent de la curatrice. J’emprunte à mon expérience de journaliste un certain type d’écriture, plus frais, plus piquant, attentive aux détails, à l’anecdote, pour rendre le texte vivant tout en gardant mon esprit scientifique. Le rôle de cette exposition est d’attirer le visiteur et de le séduire pour qu’il passe à la fois un bon moment et qu’il apprenne quelque chose. J’ai choisi de suivre la thématique de la saison, Métamorphoses, car ces poupées et ces témoignages d’un processus de création font partie d’une histoire en lien continu avec le présent, ce que nous propose de découvrir le site. Pour cette première exposition, j’ai retenu 11 spectacles de 1950 à 2016.

 

 

Comment en êtes-vous venue à imaginer ce musée virtuel pour valoriser le patrimoine du Théâtre des Marionnettes?

Fidèle du Théâtre avec mes enfants, j’ai eu cette idée suite à une visite guidée des coulisses que le Théâtre organise lors des Journées du patrimoine ou lors des Journées Européennes des Métiers d’Arts où nous avions pu visiter l’atelier de Christophe Kiss, créateur de marionnettes. Mais les occasions sont rares et les places sont prises d’assaut puisque seules quelque dix personnes peuvent en profiter à la fois. J’ai rencontré Isabelle Matter pour lui exposer mon projet ludique de valorisation des collections qui répondrait à l’appétit féroce d’un public avide de pénétrer au coeur du théâtre. Les clefs des archives en poche, je me suis plongée dans 87 ans de créations marionnettiques, classées minutieusement dès ses débuts par Marcelle Moynier, soit près de 150 spectacles, pour lesquels subsistent des témoignages émouvants tels que des croquis ou des notes des scénographes, costumiers, constructeurs de marionnettes, dramaturges ou compositeurs. Mis en interaction avec des photos et des extraits vidéo, ces témoignages divers redonnent vie à ces créations qui ne seront plus jouées.

 

 

A côté de la visite libre, vous avez également imaginé des visites guidées de 2 à 10 minutes.

Le visiteur est libre de découvrir les onze spectacles classés selon les quatre aspects que traite le thème des Métamorphoses. Les visites guidées offrent au néophyte un premier contact idéal avec le monde de la marionnette. La plus courte, où l’image prédomine sur le texte, a été spécifiquement pensée pour le jeune public, tandis qu’aux détours des pages des autres visites, le public curieux découvre de nombreux liens textuels ou vignettes de bas de page, accessibles à la demande en un clic.

 

Métamorphoses retrace plus de 60 ans de marionnette à Genève, quel constat majeur avez-vous fait durant votre travail approfondi?

C’est un art vivant, au sens où il est extrêmement divers dans ses formes et ses techniques de manipulation comme de construction, et où le cliché du guignol est clairement dépassé. A fils, à gaines, à tringles ou de table, les poupées s’élaborent avec des matériaux en perpétuelle évolution, venant de corps de métiers très variés. A dominante en bois de tilleul il y a 50 ans, les marionnettes peuvent aujourd’hui être en plastazote®, une sorte de mousse synthétique en plaque, utilisée au départ dans la fabrication de flotteurs et d’hydrospeeds, ou encore en Forex®, un matériau rigide expansé, très utilisé dans la communication visuelle de nos jours. Les formes varient et s’adaptent continuellement pour aller toujours au plus près du texte, par un jeu aisé, au service du sens. Ce dernier est peut-être celui qui a le plus évolué au fond. Le traitement des sujets par Marcelle Moynier et Laure Choisy était plus classique, touchant essentiellement à la transposition de contes destinés au jeune public. Aujourd’hui, la marionnette aborde tous les sujets d’actualité et s’adresse à un public intergénérationnel.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Métamorphoses, une exposition virtuelle du Théâtre des Marionnettes de Genève à découvrir sur expo.marionnettes.ch

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