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Quête initiatique au pays d'Andersen

Publié le 26.04.2017

 

Près de dix ans après le savoureux Balthazar fait son bazar, Michele Millner revient au Théâtre des Marionnettes de Genève du 26 avril au 14 mai pour une nouvelle création destinée aux enfants. La metteure en scène a été puiser dans ses souvenirs et a déniché Les Cygnes sauvages, un conte qui, tout en faisant partie des classiques de Hans Christian Andersen, reste moins connu que Le Vilain Petit Canard ou La Petite Sirène. Il raconte l'histoire d'Élisa et de ses onze frères. Ces derniers ayant été transformés en cygnes par une manigance de leur belle-mère, Élisa devra traverser de nombreuses épreuves pour briser le sortilège.

Michele Millner s'est entourée des jeunes comédiens Lou Golaz, Zoé Sjollema et Léo Mohr qui manipulent aussi bien les marionnettes que les instruments. La musique a une place importante dans ce spectacle où les univers se mélangent. Composée par Yves Cerf, elle est jouée en direct par Maël Godinat accompagné des comédiens. Michele Millner aime en effet mélanger les disciplines afin de convoquer les différents sens des spectateurs. Interview.

 

 

Comment avez-vous découvert ce conte et pourquoi avoir voulu le mettre en scène?

Enfant, j'ai eu la chance de connaître les contes, dont ceux d'Andersen qui me touchaient particulièrement. Depuis quelque temps, j'avais envie de revenir aux marionnettes et aux contes pour enfants. Dans mes précédents travaux, j'étais partie d'histoires que nous avions créées nous-mêmes, et je souhaitais revenir au conte traditionnel. J'ai commencé à en relire et c'est en travaillant sur une adaptation de La Petite Sirène que je suis tombée sur Les Cygnes sauvages. J'avais un peu oublié ce conte mais j'en ai discuté avec ma sœur qui m'a rappelé le livre que nous avions et les dessins qui nous impressionnaient beaucoup, surtout ceux de la métamorphose des enfants en cygnes. Et je crois que le déclic est venu de cette idée de transformation, à la fois terrible et géniale. Qui ne rêve pas de pouvoir voler comme un oiseau?

 

Vous avez adapté le texte, quels ont été vos partis pris?

Nous avons tout réécrit. J'ai fait une première adaptation, mais le texte s'est vraiment écrit sur le plateau avec les comédiens, le musicien, mes assistantes… C'est une écriture collective. Le récit s'est ainsi construit avec les passages qui nous touchaient le plus mais également par le jeu du plateau, en fonction de ce que nous voulions montrer. L'un des fils conducteurs est par exemple l'émerveillement d'Élisa face à la nature. Aussi, je ne voulais pas que la pièce contienne trop de paroles, mais passer par des images, des sensations, des émotions.

 

Comment décririez-vous Élisa?

Elle est belle, sensible et très ouverte au monde. Surtout, elle n'a jamais peur. Elle possède une sorte d'élan vital qui lui permet de traverser tous ces obstacles avant de pouvoir délivrer ses frères. Bien sûr, elle se sent parfois dépassée, comme nous tous, mais elle trouve toujours des solutions. Et elle est extrêmement forte et déterminée, même si elle souffre. En sauvant ses frères, Élisa part à la recherche d'elle-même, afin de trouver sa place dans la fratrie. C'est une forme de quête initiatique. Il y a quelque chose de particulier dans les contes d'Andersen: ses héroïnes ont souvent des destins tragiques mais restent au centre de l'action. Leurs histoires dépendent totalement d'elles. Cela ne m'avait pas frappé plus jeune mais je pense que c'est d'autant plus jouissif, pour une fille, de pouvoir s'identifier à un personnage féminin sans passer par l'intermédiaire d'un héros.

 

 

Comme La Petite Sirène, Élisa perd sa voix… Quels symboles prend la parole pour vous?

En tant que féministe, je considère que retirer la parole à une femme est un geste très fort. Il est certain que, dans le monde dans lequel on vit, la parole des femmes n'a pas le même poids que celle des hommes. Mais nous ne sommes pas des victimes, et le silence nous permet de puiser une force insoupçonnée. Se taire est aussi un moyen de s'écouter, de réaliser qui nous sommes dans ce monde. J'ai été très intriguée par la force qu'Élisa retire de son silence. Elle ne le vit pas comme une punition de la part de sa belle-mère, mais comme un immense cadeau de pouvoir écouter le monde autour d'elle.

 

Vous avez pris le parti de ne pas couper les passages les plus violents de l'histoire. En quoi est-ce important pour vous de tout montrer?

Je suis totalement convaincue qu'il ne faut pas édulcorer les histoires, et qu'il ne faut pas sous-estimer la capacité des enfants à faire la part des choses, surtout que le théâtre reste un lieu protégé. Les Cygnes sauvages est une histoire terrifiante par certains aspects. On doit avoir peur pour la comprendre complètement. Les contes ne sont pas ce qu'ils semblent être et ce sont les différentes couches, les choses cachées qui me passionnent. Par exemple, le personnage de la belle-mère, que j'adore, est considéré comme le mal absolu. Mais tout ce qu'elle fait va permettre à Élisa de grandir.

 

Pour vous qui venez du théâtre, qu'est-ce que la marionnette apporte?

Le lien entre le manipulateur et la marionnette est toujours intéressant. Un comédien peut beaucoup apprendre en passant par la manipulation car il doit se mettre au service de la poupée pour lui donner la vie. Pour moi, ce lien est magique. Il y a quelque chose qui remonte à l'enfance mais aussi à une dimension plus ancestrale, à notre manière de transmettre les histoires.

 

Propos recueillis par Marie-Sophie Péclard

 

Les Cygnes sauvages, une pièce de Michele Millner à découvrir au Théâtre des Marionnettes de Genève du 26 avril au 14 mai 2017.

Renseignements et réservations au +41 22 807 31 07 ou sur le site www.marionnettes.ch

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