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Répondre au gigantesque par le gigantesque

Publié le 13.02.2019

 

Pour son retour à la Place Neuve, le Grand Théâtre de Genève propose Der Ring des Nibelungen, trois représentations de la tétralogie de Richard Wagner, composée de Das Rheingold, Die Walküre, Siegfried et Götterdämmerung. Les cycles débutent le 12 février, le 5 mars et le 12 mars 2019. Pour la direction, la présentation de cette œuvre gigantesque permet de répondre de manière idéale aux attentes des Genevois, après trois ans de travaux sur le site de la Place Neuve. Pour ce retour, Dieter Dorn et Jürgen Rose reprennent la mise en scène qui avait déjà créé l’événement au Grand Théâtre entre 2012 et 2014.

Daniel Dollé, conseiller artistique et dramaturge de l’institution, revient sur l’œuvre, son histoire, ses légendes, son inépuisable modernité. Et sur les difficultés surmontées pour préparer des opéras dans une salle encore en travaux, bref sur les conditions très particulières de cette reprise.

 

En quoi ce Ring des Nibelungen diffère-t-il de celui présenté au Grand Théâtre entre 2012 et 2014.

Nous avons été fidèles à nos intentions premières, soit de proposer une reprise. Mais un travail ne peut pas se faire en faisant abstraction des artistes, et donc de la distribution, qui n’est évidemment pas la même. Pour prendre un exemple, dans cette production Tom Fox interprète Alberich en face de Tomas Tomasson, qui est Wotan. Leur ressemblance, frappante, inexistante dans la première production, n’est pas sans incidences. Ils apparaissent dès lors comme deux frères, deux personnages errants, et leur affrontement permet de dépasser tous les manichéismes habituels.

 

A l’époque, la mise en scène de Dieter Dorn et Jürgen Rose a été saluée pour son didactisme. Que cela vous inspire-t-il?

Avec ce Ring, nous sommes avant tout dans l’art théâtral. Dans ce qu’il a de plus ancien et de plus contemporain au théâtre. De par sa conception, l’œuvre est proche de la tradition antique. La structure rappelle celle des Dionysies, qui comptaient toujours une pièce satirique et trois pièces dramatiques. Wagner, qui était très sensible à cela, a écrit sur ce modèle une trilogie avec un prologue, et il a donné à l’orchestre le rôle du chœur. Son texte est aussi très contemporain dans l’évocation des pulsions fondamentales – l'amour, le pouvoir, l’argent.

 

Amour, pouvoir, argent: quel sens souhaitez-vous donner à l’œuvre?

Nous avons la volonté de faire du spectateur un acteur. Ce que j’entends par là, c’est que nous voulons l’amener à se poser, lui, des questions. Qu’est-ce que cela représente, qu’est-ce que cela signifie? Quand vous vous interrogez, vous devenez actif. Et je pense que cet aspect-là s’est densifié, par rapport aux spectacles proposés entre 2012 et 2014. En revanche, nous n’avons pas voulu imposer ou privilégier une interprétation. Nous voulons raconter une histoire. Le Ring est comme une boule multifacettes, qui selon l’éclairage, va refléter autre chose. Un conte, la vision d’un ordre des choses en plein bouleversement… Il y a beaucoup à dire sur les motivations de Wotan, sur les rapports qu’il entretient avec sa fille, mais cette production ne s’intéresse pas à cette dimension-là. Chacun peut s’y projeter à sa manière. Nous l’avons encore vérifié en confiant la réalisation du Ring en bandes dessinées à des classes de l’École supérieure de bande dessinée et d’illustration de Genève (ESBDi). Pour avoir rencontré ces jeunes, j’ai pu vérifier à quel point ils s’étaient passionnés pour cette histoire. Le résultat montre à quel point le sujet est inépuisable, et avec quel facilité il se prête à des éclairages contemporains.

 

Comment analysez-vous les origines mythologiques du récit?

Pour moi, c’est la mythologie de Wagner. Elle va plus loin que les sources et les légendes que l’on mentionne à ce sujet, ne serait-ce que parce qu’il a introduit des sentiments dans les personnages, ce qui explique en partie pourquoi autant d’ouvrages et d’articles ont été consacrés à cette œuvre. La conception est aussi très personnelle. Il a commencé par écrire la fin. Ensuite il s’est dit qu’il fallait expliquer qui était Siegfried. Puis il a éprouvé le besoin de tout raconter depuis le début. Tout est expliqué jusque dans les moindres détails: pourquoi Wotan a perdu un œil, pourquoi des runes sont dessinées sur sa lance…

 

Der Ring des Nibelungen pour la réouverture du Grand Théâtre?

Pour différentes raisons, cela s’imposait. Le chantier a été gigantesque, comment mieux y répondre qu’avec l’opéra gigantesque par excellence. Je ne connais aucune œuvre du répertoire qui ne réponde mieux à ce qualificatif que Le Ring des Nibelungen. Pourtant, les problèmes n’ont pas manqué. Le report de septembre à février, puis des retards qui ont fait que nous n’avons pu répéter que dix jours au lieu de quatre ou cinq semaines. Tout ce que je peux dire, c’est un grand merci aux équipes techniques, qui ont relevé un défi impossible. Et il faut même aller jusqu’aux ouvriers du chantier, qui ont été extrêmement compréhensifs. Les peintres et les électriciens étaient encore au travail quand nous devions monter les décors, puis commencer à répéter 15 heures de musique. Lorsque le rideau se baissera dimanche sur la fin du premier cycle, ce sera grâce à beaucoup de travail et d’efforts. Mais cela tient aussi du miracle!

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Der Ring des Nibelungen, de Richard Wagner, du 12 février au 17 mars 2019 au Grand Théâtre de Genève. Direction musicale Georg Fritzsch, mise en scène Dieter Dorn et Jürgen Rose

Trois cycles complets, chantés en allemand avec surtitres en français et en anglais
Das Rheingold: les 12 février, 5 mars et 12 mars 2019
Die Walküre: les 13 février, 6 mars et 13 mars 2019
Siegfried: les 15 février, 8 mars et 15 mars 2019
Götterdämmerung: 17 février, 10 mars et 17 mars 2019

Renseignements et réservations au +41.22.322.50.50 ou sur le site du Grand Théâtre www.geneveopera.ch

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