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Saint-Gervais joue les passeurs d’histoires

Publié le 06.08.2015

 




A Saint-Gervais, on ne loupera pas Angélica Liddell, « force tellurique » qui secoue les scènes internationales. Petit raz-de-marée ayant déferlé sur Lausanne, King Kong Théorie d’après Virginie Despentes arrive à Genève. Et bien d’autres jeunes compagnies comme Zooscope, qui s’intéresse au thème du recyclage. On croisera aussi au théâtre cette nouvelle saison Claude-Inga Barbey, Jean-Quentin Châtelain ou l’incontournable Jean Louis Hourdin entrechoquant la langue de Marivaux avec celle de la journaliste Naomi Klein. Philippe Macasdar, son directeur, aime les rencontres chocs. Sans oublier celles de l’Histoire avec un grand H. Ce Brechtien convaincu nous en parle.

 

 

Philippe Macasdar, directeur du Théâtre Saint-Gervais, nous reçoit dans son bureau qui croule sous les piles de livres. Son tee-shirt noir estampillé « Berliner Ensemble » en lettres capitales rouges fait écho aux citations de Brecht qui ponctuent notre entretien. Philippe Macasdar est prolixe. Depuis vingt ans qu’il dirige l’institution genevoise, il a ses fidélités, ses exigences, ses dadas. Parce qu’il enseigne à La Manufacture, à Lausanne, Philippe Macasdar est aussi en prise direct avec nos jeunes créateurs d’aujourd’hui – il y est en charge d’un cours sur la critique. Cette saison à venir, la nouvelle génération a une belle place dans la programmation de Saint-Gervais. Julia Perazzini et Valerio Scamuffa viendront présenter leur conférence-performance Retalk, qui mêle found footage – collage de bandes cinématographiques issues d’archives -, à une pointe d’érotisme et d’exotisme. On retrouva aussi la pulpeuse comédienne lausannoise dans l’adaptation du texte de Virginie Despentes, King Kong Théorie, par la jeune Emilie Charriot. Ce « manifeste pour un nouveau féminisme » a rencontré un beau succès à sa création à l’Arsenic. Dans Recyclages et autres petites philosophies suspectes, un autre couple, lausannois lui aussi, formé par Katie Hernan et Adrien Rupp, tentera de faire une pièce selon des principes écologiques. Quant à Emilie Blaser et sa Compagnie La Distillerie, elle lorgnera du côté du rock dans Tu nous entends ?

 

Forces telluriques

Cette nouvelle génération d’artistes comme Karim Belkacem et Maud Blandel y créera en résidence jusqu’en 2018, date qui marquera la fin du mandat de Philippe Macasdar. Si la relève explose du côté de Saint-Gervais, il est une star de la scène internationale qui reviendra briller pour la troisième fois aux côtés des jeunes agitateurs artistiques de notre temps. « Parce qu’Angélica Liddell est l’une des plus grandes dames du théâtre aujourd’hui. J’aimerais poursuivre avec elle comme je l’ai fait par exemple avec Rodrigo Garcia. Nous sommes allés chercher ses spectacles d’avant Avignon », détaille le directeur. L’artiste née sous la dictature franquiste jouera comme à l’accoutumée en espagnol. Te haré invencible con mi derrota incarne cette saison l’axe du théâtre en langue étrangère, l’un des points forts de Saint-Gervais. Outre celui de la « dynamique sociale » qui fait la patte du théâtre. En convoquant aussi Claude Inga-Barbey, une de nos stars locales, Philippe Macasdar se réjouit de présenter à travers ces figures féminines deux pôles des arts de la tragédie contemporaine et de la comédie. « Des forces telluriques ». On retrouvera également Jean-Quentin Châtelain dans une mise en scène de Claude Brozzoni.

 

 

Vous reprendrez bien un peu de liberté ?

Cette année, on cheminera avec le metteur en scène Jean-Louis Hourdin, complice de trente ans, adepte de la co-écriture, du montage et de l’adaptation littéraire. Vous reprendrez bien un peu de liberté…ou comment ne pas pleurer ? scelle la rencontre entre deux textes écrits à trois siècles d’écart. L’Ile des Esclaves de Marivaux, annonçant la Révolution, et La Stratégie du choc de la journaliste Naomi Klein, une mise en perspective du libéralisme aux Etats-Unis dans les années 1950.

« Vous savez que la Suisse a été le pays le plus solidaire des Arméniens », lance Philippe Macasdar. Saint-Gervais ne serait pas Saint-Gervais sans « cet autre axe très fort » qui nous plongera dans un travail de mémoire en collaboration avec la HEAD - Haute école d’art et de design de Genève par une exposition dès la rentrée. Le sujet ? Le génocide des Arméniens et l’œuvre suisse vus par la presse. Une grosse exposition sera par ailleurs consacrée en novembre aux photographies de Denis Ponté autour de femmes arabes. Une autre manière d’aborder la question du genre.

Saint-Gervais ne serait pas non plus Saint-Gervais sans ses partenariats associatifs et institutionnels avec entre autres le Service Agenda 21 - Ville durable ou le Bureau cantonal de l’intégration des étrangers. Autant de soutiens à l’incontournable festival « Mémoires Blessées », au cycle « Ici, c’est ailleurs-Création et migration à Genève » ou à la Journée de la mémoire et de l’holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité. Ces propositions ne sont autres que le « leg de la maison des jeunes et de la culture » qui continue d’exister à travers l’art, souligne Philippe Macasdar.

 

Cécile Dalla Torre

 

Découvrez toute la saison du Théâtre Saint-Gervais sur leprogramme.ch ou sur le site du Théâtre www.saintgervais.ch

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