Une pièce russe au Théâtre du Loup
Du Beau monde au Théâtre du Loup
La metteure en scène Natacha Koutchoumov s’empare de deux pièces, réunies en une seule qui sera présentée au Théâtre du Loup dès le 27 février. Le Beau Monde emprunte des extraits au Mariage de Krétchinski et à L’Affaire, deux pièces de l’auteur russe, contemporain de Tchékhov, Alexandre Soukhovo-Kobyline (1817-1903). « Alexandre Soukhovo-Kobyline n’a quasiment jamais été monté en francophonie, raconte Natacha Koutchoumov, jointe par téléphone. J’ai vu sa trilogie, dont sont tirées les deux pièces, il y a une dizaine d’années. Et je suis tombée amoureuse de cette langue, de cette folie… En Russie, Soukhovo-Kobyline est un grand classique. »
Dans cette création, c’est Pass V.I.P en poche, que les personnages font la fête. Dans une atmosphère « nineties », un microcosme en flagrant délit de déni trinque et danse pour éviter de se regarder en face. Pourquoi ouvrir les yeux lorsque l’aveuglement à un goût de champagne ? Pourquoi entendre la criante vérité lorsque le rythme du mensonge est tellement hypnotique ?
Un personnage autobiographique
Dans la dite trilogie écrite par l’auteur russe, un personnage est au centre : Krétchinski est un joueur invétéré et un habile séducteur qui saura ébranler toute une famille, prise au piège de son miroir aux alouettes. « Ce personnage est à la fois violent et absurde, sombre et ironique », continue Natacha Koutchoumov. « Il l’est de plus en plus au fur et à mesure de la pièce qui ressemble à un vaudeville, mais pas à ceux que l’on connaît en français… »
Il s’avère que, selon la metteure en scène, ce personnage malveillant et hypnotiseur serait en quelque sorte le double de l’auteur. C’est que, raconte-t-elle, avant d’écrire, Soukhovo-Kobyline était « un personnage célèbre, un grand intellectuel qui faisait partie du gratin de Moscou. En se donnant le mauvais rôle, il faisait de la provocation. » L’identification de l’auteur à son personnage principal est lourde de sens puisque Soukhovo-Kobyline s’est mis à écrire en prison, où il s’était retrouvé après avoir été accusé du meurtre de sa femme, luttant année après année pour prouver son innocence.
Pour Natacha Koutchoumov, l’écriture de Alexandre Soukhovo-Kobyline permet d’emmener le public dans une autre sphère. « Le théâtre est l’art du présent, ce texte russe, venu d’une autre époque, nous permet d’avoir un décalage, une distance par rapport à la fable racontée. » Du coup, la Cie NVK, emmenée par sa metteure en scène s’est concentrée sur le moment présent du plateau de théâtre, avec comme appui ce texte qui ressemble, toujours selon la metteure en scène, à des improvisations retranscrites à l’écrit. Une langue très vivante, donc.
Dans cette mise en scène, l’intrigue a été contextualisée dans les années nonante. Mais pour la metteure en scène, la contemporanéité du texte repose tout simplement sur le fait qu’il est joué en 2015, à Genève. « Les acteurs s’adressent directement aux spectateurs, il n’y a pas de quatrième mur ! » Une ambiance très festive et pleine d’humour se déploiera sur la scène du Loup. Dans le texte original, l’expression Le Beau monde se trouvait en français. C’est ce qui a retenu l’attention de la metteure en scène. Qui conclut : « Les personnages font une obsession de faire partie du beau monde, à n’importe quel prix. Ils veulent accéder à un microcosme et en oublie le bon sens. » Un lien avec quelque société Bling-Bling ? A voir…
Cécile Gavlak
Le beau monde, du 27 février au 14 mars au Théâtre du Loup à Genève. Renseignements au +41 22 301 31 00 ou sur le site du théâtre www.theatreduloup.ch