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Archip-elles? Éclectiques (féminin, pluriel)!

Publié le 08.02.2019

 

Archipel réagit en 2019 à la sous-représentation des œuvres des compositrices dans les concerts des grands ensembles classiques. Et pourtant, de telles artistes ne manquent pas. Hier, il y en avait un peu, aujourd’hui, il y en a même beaucoup. Pour que le festivalier s’épanouisse, la programmation accorde à toutes la même attention. Aux pionnières, aux "précurseuses", qui réussirent, un peu, beaucoup, à la folie, à faire valoir leur droit de composer, en marge de leurs obligations de femmes et d'épouses. Et aux artistes d’aujourd’hui, le tout dans une grande richesse de styles et de courants.

Cette approche du répertoire des 100 dernières années (et même plus) est à découvrir du 28 mars au 7 avril au fil d’un programme de concerts, de performances, d’installations, de rencontres, qui auront pour cadre sept salles et sites genevois (Maison communale de Plainpalais, Le Grütli, Studio Ernest-Ansermet…). Le directeur d’Archipel et d’Archip-elles, Marc Texier, éclaire les lignes.

 

Qu’ont donc en commun les compositrices d’Archip-elles? A part d’être des femmes et d’être nées au XXe siècle?

Il y a dans ce programme la volonté de présenter la diversité de ces musiciennes, d’origines, de générations et d’esthétiques différentes. Les femmes ont toujours été présentes dans l’art du XXe siècle, et dans une proportion qui va sans cesse croissante, mais leur présence a été occultée. Je veux montrer leur présence, et aussi la difficulté qu’elles ont eue, historiquement, à se faire reconnaître.Par nature ce programme est éclectique, c’est sa richesse, et pas uniquement consacré aux jeunes artistes, mais aussi à toute la production musicale féminine des XXe et XXIe siècles qui est immense.

 

Cette année, vous présentez notamment quelques artistes oubliées comme Ruth Crawford-Seeger (le 6 avril), Barbara Strozzi (le 31 mars) ou Sofia Goubaïdoulina (les 1er et 2 avril).

Ce sont des cas très différents. Ruth Crawford-Seeger, née en 1901, a composé un Quatuor à cordes en 1931, qui par certains aspects préfigure le langage sériel des années 1950. Mais, après son mariage, elle cesse pratiquement de composer, son œuvre reste inédite, et sa place dans l'histoire de la musique totalement ignorée. C'est pourtant une artiste remarquable dont les œuvres montrent une réflexion sur le langage et la forme très en avance sur son temps. Barbara Strozzi, musicienne prolifique du XVIIe vénitien, a aussi été redécouverte que très récemment. La postérité de ces deux musiciennes aurait été certainement très différente si elles avaient été des hommes. Sofia Goubaïdoulina, est elle célèbre de son vivant. Elle est issue d’une génération, née dans les années 1930, qui la première a pu être reconnue. Mais l’Occident ne l’a découverte qu’après la chute du Mur.

 

 

Comme seul mouvement pouvant être considéré comme majoritairement féminin, le programme met en avant celui né à New-York dans les années 70 et qui touche à la performance vocale – Erin Gee, Jennifer Walshe (4 avril). Comment ces artistes se rattachent-elles au classique contemporain?

À la suite des artistes vocalistes et compositrices, dont le renom a largement dépassé la sphère de la musique contemporaine, comme Laurie Anderson, Meredith Monk, Pauline Oliveros, Diamanda Galas, Yoko Ono, nous présentons aussi de jeunes musiciennes de cette mouvance, la performance vocale, qui pour la plupart viendront pour la première fois à Genève. C'est là un mouvement essentiellement féminin dans lequel on peut aussi inclure des compositrices-installatrices ou artistes sonores comme Marianthi Papalexandri-Alexandri, Julie Semoroz, Elena Rykova, toutes présentes à Archipel.

 

 

Y a-t-il des soirées pour lesquelles vous êtes particulièrement curieux de découvrir les réactions du public?

Je tiens beaucoup à ce que la musique contemporaine, réputée difficile d’accès, soit présentée de façon à la rendre accessible. C’est pour cela que nous organisons des "salons de musique" le dimanche, où tout un chacun peut venir découvrir librement la musique contemporaine, rencontrer les musiciennes, participer à une émission publique. C'est un mode de consommation de la musique plus proche de la visite d'une exposition que du rituel contraignant du concert. Chacun peut entrer, rester, ne pas rester…

 

Le festival met aussi sur la même affiche les différents ensembles et institutions actifs dans ces domaines.

Archipel est une force fédératrice, un acteur qui permet à des structures parfois concurrentes de converger sur un projet commun. Des ensembles et des solistes de Genève, de Suisse, d'Europe s'y rencontrent sur un thème commun, la présence des femmes dans la création musicale, et montrent par leur engagement que cette sous-représentation féminine pourrait être corrigée. Une cinquantaine de compositrices venant de 23 pays différents seront présentes à Archipel, c'est un vaste panorama que le festival a initié mais qu'il n'a pu construire qu'avec l'aide de nombreux partenaires.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Festival Archip-elles, Genève du 28 mars au 7 avril 2019.

Pass Festival: 90 francs
Pass découverte (3 concerts à choix): 40 francs.

Programme complet, informations, réservations, documentations, à lire et à entendre... sur le site www.archipel.org

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