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Chaplin en musique au Forum Meyrin

Publié le 08.12.2014

 

« Aucune hésitation n’est possible »

 

A voir au Théâtre Forum Meyrin, Les lumières de la ville (City Lights) est une œuvre majeure et marquante dans le parcours de Charlie Chaplin. Elle marque ses débuts dans le cinéma sonore, tout d’abord avec des bruitages et de la musique. Puis, Chaplin se tournera vers le cinéma parlant, après avoir résisté pendant longtemps.  Dans ce film, sorti en 1931, une fleuriste aveugle tombe sous le charme de Charlot, croyant avoir affaire à un millionnaire. Entre rire et passion amoureuse, ce film promet d’émouvoir petits et grands. Habitué des ciné-concerts, en particulier avec des films de Chaplin, le chef d’orchestre genevois Philippe Béran conduit les 42 musiciens de l’Orchestre de chambre de Genève, avec qui il travaille ponctuellement depuis quinze ans. La projection, toute en musique, des Lumières de la ville s’annonce comme un grand moment. Entretien.

 

 

De combien de temps de répétition disposez-vous pour monter ce ciné-concert ?

 

C’est très rapide. Il faut une journée et demie de travail avec les 42 musiciens. C’est très court. Mais le travail le plus important se fait en amont. J’ai une longue expérience des ciné-concerts, il faut surtout, pour le chef d’orchestre, une énorme préparation personnelle.

 

Justement, côté technique, comment procédez-vous ? Avez-vous des repères dans le film ? Y a-t-il une part d’« improvisation » pour se synchroniser avec les images au moment la projection ?

 

Non, aucune improvisation ! C’est réglé au millimètre ! Sur la partition, il y a déjà beaucoup de repères qui renvoient aux plans cinématographiques… Il faut tout d’abord connaître le film scène par scène, et bien-sûr toute la musique par cœur. On peut ensuite s’occuper de la synchronisation des deux, musique et image, jusqu’à un taux de réussite de 100%. Aucune hésitation n’est possible dans ce type de production. Et alors seulement vous pouvez commencer à travailler avec l’orchestre. Mais, ce que les gens ne savent pas forcément, c’est qu’il peut y avoir de grandes différences de tempo selon les versions : entre une bobine et un DVD, par exemple. On dit qu’il y a 24 images par seconde, mais en fait ce n’est pas juste. Il peut y en avoir 23,5 ou 25… Heureusement, l’Association Chaplin fait les choses bien et fournit des DVD sur lesquels on peut travailler et qui ont un tempo exact, correspondant à la projection. Le soir du spectacle, pendant une heure et demi, il faut être précis, au millième de seconde près. Il faut sans cesse être vigilant à adapter la musique au film.

 

Et pour Les lumières de la ville, comment la musique sonne-t-elle ?

 

C’est très jazzy. Il y a beaucoup de scènes de bal, avec des ambiances années 1920-1930. C’est très drôle… Et j’adore le personnage du millionnaire qui a deux facettes, quand il est soul ou quand il est à jeun.

 

Dans Les lumières de la ville, Chaplin s’est emparé du thème de la cécité. Pour diriger l’actrice qui jouait le personnage de la fleuriste aveugle, il lui conseillait de « se tourner vers l’intérieur ». Ce thème vous a-t-il amené, vous qui êtes musicien, à une réflexion dans votre travail ?

 

En regardant le film, chacun peut avoir une réflexion individuelle, ressentir les choses. Mais moi, je suis dans la technique, je pense à mes points de repères, sur la partition…

 

 

 

 

Vous avez l’habitude de créer des ciné-concerts sur les films de Chaplin, quelle relation particulière avez vous avec Les lumières de la ville ?

 

Oui, je le connais très bien. Ses films qui sont le plus joués en ciné-concerts sont, dans l’ordre : Le kid, La ruée vers l’or, Le cirque, Les lumières de la ville et Les temps modernes. Chaplin a ensuite cessé de résister et est passé au cinéma parlant. Les lumières de la ville est l’un de mes préférés car il y a un parfait équilibre entre l’émotion et le rire. On oscille toujours entre un fond tragique et des scènes hilarantes.

 

Aujourd’hui, pourquoi renouer avec cette tradition des ciné-concerts ?

 

Il ne s’agit pas vraiment de renouer avec une tradition, c’est plutôt une forme d’art que l’on redécouvre, quelque chose d’émotionnel. Ce n’est ni un concert, ni du cinéma, ni un ballet ou un opéra. Il faut faire l’expérience de regarder Les lumières de la ville sans le son, par exemple, pour se rendre compte de la force de la musique. Elle donne du relief à l’image et vice-versa. Regarder le film avec la musique jouée par 40 musiciens, ça n’a rien à voir avec le fait de le visionner chez soi, même avec le home cinéma… En live, la musique rentre en résonance avec l’image. Et ce spectacle s’adresse à tout le monde, car la force de Chaplin, c’est que, quelque soit votre âge, votre sexe ou votre nationalité, vous riez.

 

Propos recueillis par Cécile Gavlak

 

Les Lumières de la ville, mardi 16 et mercredi 17 décembre, 19h00, au théâtre Forum Meyrin. Renseignements au +41 22 989 34 34 - www.forum-meyrin.ch

En marge du spectacle : « Rire, plaisir et neurosciences », échange avec le chercheur Gabriele Sofia autour de la question du ressenti du spectateur, mercredi 17 décembre à 18h. Entrée libre.

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