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Eklekto revisite un classique

Publié le 18.03.2021

 

L’Orchestre de Chambre de Genève (LOCG), pour son quatrième concert de saison, interprétera le 22 mars Bernd Alois Zimmermann, Olivier Messiaen, Ottorino Respighi, dans un programme intitulé Oiseaux exotiques. Le concert se déroulera à huis clos. Il sera possible de le suivre en direct sur Léman Bleu ou sur la page Facebook de l’orchestre, lundi 22 mars, à 20h. Pour l’occasion, LOCG sera accompagné de la pianiste Bahar Dördüncü. Née en Turquie, elle a suivi le Conservatoire de musique de Genève, où elle a obtenu un premier prix de virtuosité (classe de Harry Datyner). Longtemps collaboratrice de l’Ensemble Contrechamps, elle forme avec sa sœur le Duo Dördüncü et est membre du quatuor Makrokosmos

Egalement invité à la soirée, l’Eklekto Geneva Percussion Center interviendra dans une œuvre d’Olivier Messiaen, Oiseaux exotiques. Le directeur artistique de l’ensemble, Alexandre Babel explique la place qui est celle d’Olivier Messiaen dans l’univers de la percussion contemporaine. Et aussi les paradoxes et la logique qui amène Eklekto, surtout connu pour son implication dans la création contemporaine, à monter sur scène pour interpréter une composition jeune de 66 ans.

 

Vous collaborez au programme de ce concert aux côtés de L’OCG sur une pièce d’Olivier Messiaen. Ce répertoire ne vous éloigne-t-il pas de votre activité ordinaire, plus orientée sur la création contemporaine?

Il y a deux réponses à cette question. La première est artistique. Certes, le programme n’est pas représentatif de ce que nous défendons d’habitude. Ces dernières années, Eklekto s’est surtout illustré dans des créations et des projets transversaux, parfois avec des orchestres qui ne sont pas issus de la tradition classique occidentale. En conséquence, de revenir à un format «classique» peut paraître étonnant. Mais paradoxalement, c’est quelque chose qui est pour moi fondamental, parce qu’il s’agit d’Olivier Messiaen. C’est un de ces compositeurs du XXe siècle qui compte parmi les forgerons de la tradition de la percussion contemporaine. Il est sans doute celui qui, le plus tôt, a su faire parler, faire chanter les percussions à claviers. Le son du xylophone, celui du marimba, les orchestrations lui doivent beaucoup. C’est pour nous une figure incontournable. Les autres seraient Edgar Varèse, qui est le premier à avoir défendu bec et ongles l’importance de l’instrument. Il faudrait citer aussi John Cage, qui a développé un important répertoire dès les années 40, et aussi Iannis Xenakis, et bien entendu Steve Reich.

 

Donc il est important de retourner parfois vers ses parents.

Oui. Eklekto s’immerge dans la création contemporaine. C’est un ensemble qui se bat avec un instrument qui fait encore rêver et réfléchir. Nous sommes engagés dans le développement d’une certaine esthétique très personnelle. Mais pour moi, cette démarche est absolument indissociable du respect de la tradition, et d’un retour récurrent à des compositeurs comme Olivier Messiaen. Pour nous comme pour notre public, il est essentiel de se ressourcer à ces bases. C’est aussi une manière d’alimenter le futur.

 

Vous avez mentionné un deuxième aspect de cette collaboration?

C’est L’Orchestre de Chambre de Genève, qui est devenu un partenaire privilégié de travail! Nous avons eu l’occasion de collaborer il y a deux ans, lors d’un concert autour du concerto pour percussions et orchestre de Guillaume Connesson. Et ces occasions vont se reproduire, ne serait-ce que parce que nous allons encore nous rapprocher: nous sommes engagés ensemble, aux côtés de Contrechamps et du Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre pour la création d’un nouveau lieu à Genève, Les Six Toits, qui doit nous offrir aux Charmilles une salle et des locaux. Nous y déménagerons avec tout notre instrumentarium.

 

 

Comment évoquez-vous votre apport à L’OCG dans une pièce comme Oiseaux exotiques?

Il faudrait poser la question au directeur artistique Arie van Beek, car il pourrait parfaitement travailler avec les percussionnistes de L’OCG sur ce morceau. Mais j’imagine qu’il attend de nous une sorte d’expertise, car nous sommes l’ensemble qui personnifie le mieux la percussion à Genève. Il y a donc une certaine logique à s’adresser à nous dans un répertoire aussi emblématique. Notre manière d’aborder le son est aussi différente: nous sommes plutôt des explorateurs. D’amener cela à l’intérieur d’un orchestre, et notamment d’un orchestre de chambre, est pour moi particulièrement enrichissant. Nous pouvons amener un savoir-faire différent. Cette pièce de Messiaen a été interprétée il n’y a pas si longtemps par l’OSR, il serait intéressant de comparer les interprétations.

 

Et pour vous, comment abordez-vous cette collaboration?

Comme une expérience enrichissante, et d’autant plus qu’elle s’écarte de notre mission habituelle. Nous allons pouvoir travailler avec d’autres musiciens – et ils sont nombreux! Ils ont une autre manière que nous de travailler et de penser le son. Nous nous réjouissons aussi du travail avec un chef d’orchestre, d’autant plus qu’Arie van Beek est également percussionniste. Un autre répertoire, d’autres manières de travailler, un autre public: tous les paramètres sont différents!

 

C’est aussi pour vous une rare occasion de jouer devant un e-public, en ces temps de Covid.

Ce sera notre deuxième concert de l’année. Dans des conditions idéales, avec un streaming de qualité avec Léman Bleu. Mais ce format du streaming, que nous voyons comme une solution de remplacement, n’est pas ce que nous souhaitons mettre en avant à l’avenir. Nous réfléchissons sur des manières alternatives de présenter notre travail au public. A la base, il y a la volonté de ne pas dénaturer notre travail par la situation présente. En conséquence, nous mettons au point des formats qui pourraient faire date. Il faut permettre aux musiciens d’aller à la rencontre du public, dans un cadre acceptable. Cela se met en place et verra le jour dès la saison d’automne.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Oiseaux exotiques, à découvrir en ligne le 22 mars 2021, à 20h, sur Léman Bleu et sur la page Facebook de LOCG (ICI), en direct du Bâtiment des Forces Motrices (BFM), Genève

L’Orchestre de Chambre de Genève (LOCG)
Arie van Beek, direction
Bahar Dördüncü, piano
Eklekto Geneva Percussion Center


Programme:
Bernd Alois Zimmermann, Un petit rien

Olivier Messiaen, Oiseaux exotiques, pour piano et ensemble

Ottorino Respighi, Les Oiseaux, suite pour petit orchestre


Photo Alexandre Babel © Nicolas Masson

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