Social Tw. Fb.
Article

Ion de Cindy Van Acker à l’adc

Publié le 05.05.2015

 

Pour ce retour au solo Cindy Van Acker convoque Nietzsche et Nijinski, deux maîtres à penser et à danser en haute solitude.

 

Récemment, Cindy Van Acker a créé des pièces pour grandes distributions. Ce sont en fait deux commandes qui lui ont été passées par des écoles : Magnitude, composition rythmique sur le saut, écriture d’un mouvement continu réparti sur 22 danseurs du Ballet Junior ; et Anechoic, plan-séquence comme zoomé sur 49 élèves de P.A.R.T.S, créé sur une plage d’Ostende en été 2014 (une chorégraphie qui sera reprise en juin par l’adc, à Genève). Après l’orchestration de ces deux pièces, qui considèrent un ensemble d’interprètes comme un seul organisme en mouvement, la chorégraphe flamande de Genève revient à l’expérimentation radicale que permet le solo et au travail sur son propre corps. D’abord danseuse classique au Ballet Royal de Flandres, puis danseuse néo-classique au Ballet de Genève, Cindy Van Acker est entrée en création par le solo, avec des pièces fortes comme Corps 00:00 en 2002, puis Fractie et Balk 00:49 en 2003. Des opus mis en gestation pendant de très longs temps de recherche en studio.

 

Nietzsche

L’idée de complètement renverser ce qu’on connaît pour accéder à d’autres formes, d’autres valeurs, et laisser une nouveauté nous transformer, Cindy Van Acker la trouve puissamment chez Friedrich Nietzsche. Le philosophe allemand est son premier compagnon de route dans la création de ce spectacle. Le traducteur néerlandais de Nietzsche, le poète Hendrik Marsman écrit : « Aucun penseur n’a vu le corps autant relié à l’esprit que lui. » Et la chorégraphe constate : « Dans ce processus de création, il m’a permis de retarder le moment d’aller au corps, d’effacer d’autres limites, de me protéger de moi-même. » Notamment avec une phrase comme celle-ci : « Rien ne m’intéresse plus qu’un homme faisant un détour par des peuples lointains et les étoiles, pour raconter finalement quelque chose de soi. » Et puis Nietzsche revient sans cesse à des notions essentielles pour Cindy Van Acker, la résistance, le silence, la solitude : la pièce aurait pu s’appeler de strijd, la lutte en flamand. Elle s’appelle Ion, qui veut dire en grec allant, qui va, et qui renvoie en chimie à des transports de charges électriques.

 

Nijinski

Aux côtés du poète-philosophe qui se disait danseur, Cindy Van Acker est allé interroger le danseur qui a cessé de danser pour écrire un journal, puis qui a cessé de parler pour le restant de ses jours, soit trente ans : Vaslav Nijinski. Elle dit : « Ce sont deux génies, deux monstres d’authenticité, des forces de la nature. » De Nijinski, elle emporte sur scène le récit de la dernière nuit où il a dansé en public, le 19 janvier 1919 à St-Moritz, une improvisation à laquelle assistèrent une centaine de personnes, et qui commence avec vingt-trois minutes d’immobilité.

 

 

L’équipe de Greffe

Pour composer, Cindy Van Acker fait résonner entre eux tous les éléments qu’elle a à disposition, soit ce qu’elle appelle la matière-corps, la matière-temps, la matière-son, la matière-lumière. De quoi transformer les données objectives de la scène pour jouer avec la perception. Créer du vertige, de l’illusion, rendre visible l’invisible, brouiller le proche et le lointain, flouter la présence et l’absence. Ce qu’elle va faire ici avec son équipe : Victor Roy, son complice de longue date, qui a conçu la scénographie lumineuse, Samuel Pajand qui compose la musique et Kata Toth qui a pensé les costumes. Pour Ion, elle s’est incorporé l’intensité de Nietzsche, la liberté de créer telle qu’elle surgit chez Nijinski, la solitude et l’opposition aux conventions, aux convenances qu’elle reconnaît en chacun d’eux. En lien mystérieux avec Ion et en écho avec Nietzsche, Cindy Van Acker retient cette citation : « La solitude a sept peaux. »

 

Michèle Pralong pour le Journal de l'adc

 

Ion de Cindy Van Acker, du 6 au 13 mai 2015 à l'adc Genève. Renseignements au +41.22.320.06.06 ou sur le site www.adc-geneve.ch

Filtres