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Ksenija Sidorova: ambassadrice de l’accordéon

Publié le 23.11.2022

Peu habituel sur les scènes classiques, l’accordéon n’en est pas moins un instrument aux multiples possibilités. Le 29 novembre au Bâtiment des Forces Motrices (BFM), L’Orchestre de Chambre de Genève sort des sentiers battus et invite l’accordéoniste lettonne Ksenija Sidorova qui s’illustrera dans Aconcagua, concerto pour accordéon et orchestre du maître argentin Astor Piazzolla - une pièce à découvrir dans le cadre de la deuxième soirée d'abonnement de L'OCG, qui sera placé sous la direction de Kevin Griffiths.

Partenaire de musique de chambre de Nemanja Radulovic, Stjepan Hauser ou Andreas Ottensamer, elle met un point d’honneur à démocratiser cet instrument trop méconnu à son goût. Dans un échange où sa voix laisse transparaître une bonne humeur communicative, elle a répondu à nos questions.



Votre grand-mère a choisi l’accordéon pour vous. Pourquoi son choix s’est-il porté sur cet instrument?

L’histoire est très simple, en fait. Elle avait cet instrument dans son grenier, donc elle s’est dit qu’il fallait tenter d’en faire quelque chose et me le faire essayer. À partir de là, soit tout se passait bien et je persévérais, soit je n’aimais pas et l’accordéon retournait de là où il venait. Heureusement, j’ai adoré! Personne ne s’y attendait, mais j’aimais beaucoup trop l’instrument pour ne pas continuer.



Votre grand-mère était-elle elle-même musicienne?

Ma grand-mère jouait du garmoshka, un instrument traditionnel qui s’apparente à l’accordéon que l’on retrouve beaucoup dans la musique populaire. Elle ne savait pas du tout sur quelle voie elle m’emmenait, et maintenant, quand je lui joue de la musique contemporaine, elle se demande comment tout cela a pu arriver! (rires)

Entre contemporain et musique folklorique, la différence est effectivement grande.

C’est très différent, mais tout dépend des pièces. Il en existe beaucoup qui sont accessibles et compréhensibles pour le grand public. En définitive, elle apprécie tout de même. L’accordéon est connu pour la musique traditionnelle, la musique populaire, mais je suis convaincue qu’il mérite une plus grande place dans le répertoire classique.

En étant «bordée» par la musique populaire, comment avez-vous découvert le classique?

C’est arrivé grâce à la professeure que j’ai rencontrée dans mon école de musique. Quand j’ai auditionné pour entrer dans cette école, j’ai joué ce que je connaissais: des airs populaires. Petit à petit, elle a commencé à me montrer toutes les possibilités de l’instrument; j’étais fascinée!

L’évolution a été subtile et graduelle; nous avons continué à jouer de tous les styles, et je pense que c’est une bonne chose. C’est important de savoir maintenir l’intérêt, surtout chez un enfant.





En attendant, étant relativement récent, l’accordéon ne bénéficie pas d’un répertoire classique très large.

Malheureusement, il n’existe pas de concertos de Bach ou Mozart composés pour accordéon, mais on peut toujours faire des arrangements, et c’est là toute la beauté! Quand on prend une partita de Bach, par exemple, il n’y a quasiment rien à changer pour l’accordéon, tout fonctionne parfaitement tel que c’est écrit.

Diriez-vous que l’on peut tout jouer?

Je pense, oui. Ou presque, en tout cas. Quand je choisis une pièce qui n’est pas initialement destinée à mon instrument, je réfléchis toujours à la cohérence de l’arrangement. Ce qui est important, pour moi, c’est que l’arrangement apporte quelque chose, qu’il ait une valeur ajoutée, en quelque sorte. Si la pièce perd un peu de son sens en étant jouée à l’accordéon, je ne vois pas l’intérêt de la jouer.

Mais en effet, c’est un instrument polyvalent avec lequel on peut presque tout faire, il n’a pas de limites.

Vos concerts en sont la preuve, puisque votre répertoire est éclectique, du baroque au contemporain en passant par la musique populaire.

Certains concerts sont consacrés à la musique classique, d’autres à la musique de Piazzolla, je n’ai pas de préférence, mais j’ai besoin de varier. L’accordéon permet de jouer un vaste répertoire et je suis autant à l’aise avec le classique ou le baroque qu’avec le répertoire plus folklorique comme le tango ou la musique tzigane. Si j’ai une telle variété dans mon répertoire, c’est tout simplement parce que mes goûts sont aussi divers.

Si tu ne crois pas en quelque chose, tu ne peux pas vraiment convaincre quelqu’un d’autre. Ce serait difficile de transmettre des émotions au public sans croire moi-même en ce que je joue.





Récital, musique de chambre, soliste avec orchestre...Vous cultivez toutes les expériences, mais avez-vous parfois l’occasion de jouer dans un ensemble?

Évidemment, c’est très rare. Lorsque j’étais étudiante à la Royal Academy of Music de Londres, il m’est arrivé - rarement - de jouer avec l’orchestre pour des programmes qui comprenaient un accordéon, mais la première fois que j’ai joué dans un orchestre, c’était avec le City of Birmingham Symphony Orchestra et l’Orchestre du Mariinsky. Les deux orchestres étaient réunis sous la baguette de Valery Gergiev. Autant dire que j’étais très nerveuse pour une première expérience! J’ai tout de même une préférence pour la musique de chambre pour le sentiment unique qui en résulte. Quand on se réunit avec des musiciens et que l’on crée une interprétation ensemble, c’est magique.

Avec L’Orchestre de Chambre de Genève, vous jouerez Aconcagua, un concerto pour accordéon et orchestre de Piazzolla. Était-ce votre proposition?

J’adore cette pièce, je suis ravie! Parfois, quand un orchestre t’invite, ils n’ont pas de pièce en tête. Ils veulent un artiste ou un instrument en particulier et tu leur donnes la liste des œuvres de ton répertoire.

Dans ce cas, l’orchestre et moi-même étions très contents du choix de la pièce. D’autant plus que j’ai récemment enregistré un album hommage à Astor Piazzolla dans lequel figurait ce concerto, aux côtés d’autres œuvres du maître argentin et de pièces d’autres compositeurs dont le langage musical s’y apparente.

Comment œuvrez-vous pour un élargissement du répertoire?

Proposer davantage d’œuvres originales pour accordéon est l’une de mes préoccupations dans ma vie de musicienne. On ne peut pas se contenter éternellement d’arrangements ou de transcriptions. On a besoin d’avoir un répertoire qui nous est propre et si on ne crée pas quelque chose de nouveau, on stagne.

L’accordéon se dévoile le mieux dans des pièces écrites spécialement pour lui, il faut encourager la création. L’instrument n’existe que depuis les années 1960, il est relativement nouveau ; c’est un nouveau langage pour les compositeurs, pour ainsi dire. Ils sont excités d’avoir un nouvel instrument pour lequel écrire. L’intérêt pour l’accordéon est grandissant dans la musique contemporaine et les nouvelles pièces deviendront un jour des classiques.

Propos recueillis par Sébastien Cayet


Ksenija Sidorova

Mardi 29 novembre, 20h, Bâtiment des Forces Motrices (BFM), Genève
Deuxième Concert de Saison de L'OCG

Kevin Griffiths, direction
Ksenija Sidorova, accordéon
L'Orchestre de Chambre de Genève

Programme:
Claude Debussy, Prélude à l’Après-midi d’un faune
Astor Piazzolla, Aconcagua, Concerto pour accordéon et orchestre
Robert Schumann, , Symphonie n° 4 en ré mineur op. 120

19h, avant-concert par les élèves de la classe d'accordéon de Gaëlle Poirier

Bar et restaurant dès 18h30

Informations, réservations:
https://locg.ch/fr/programme?saison_id=20&type_id=1&concert_id=349