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Le Cogitoscope: Nietzsche à la plage

Publié le 12.06.2019

 

Du 12 au 15 juin 2019, le Grütli invite la philosophie à la plage – ou est-ce la plage qui va à la philosophie? Quoi qu’il en soi, pour le quatrième volet de leur feuilleton philosophique et théâtral, Vincent Coppey et Jean-Louis Johannides mettent en scène les thématiques de la filiation, de l’héritage – et de sa déc-linaison, le dés-héritage. Mais pourquoi à la plage? Et qu’est-ce que Nietzsche vient faire dans cet univers de bungalow et de bananiers?

Les deux concepteurs-comédiens-auteurs-metteurs en scène, en bons adeptes de la démarche philosophique, s’intéressent sans doute davantage aux questions qu’aux réponses, ce qui ne les empêche pas d’évoquer ici leur pratique. Et notamment celle de ces curieux objets discursifs et théâtraux, aux formes et aux humeurs variables, qu’ils développent et qu’ils proposent de découvrir, cette semaine encore avec Episode_4: Un homme mon fils au Grütli.

 

Comment composez-vous entre théâtre et philosophie?

Jean-Louis Johannides: Ce projet résulte d’une envie de convoquer la philosophie au théâtre. Le but n’est pas d’expliquer ce que pourrait être la philosophie, ou de proposer des sortes de conférences. Nous voulons bien davantage utiliser les concepts comme moteur de jeu, comme énergie de plateau. Nous nous sommes retrouvés avec quatre projets, quatre spectacles qui à chaque fois nous donnent l’occasion de mettre en place une esthétique différente. Nous travaillons pour cela avec deux scénographes différents, dont l’un est plasticien et peintre. Tour à tour ils travaillent sur les épisodes et nous aident à trouver l’espace esthétique qui conviendrait le mieux à ce que l’on essaie de raconter.

Vincent Coppey: Nous proposons ici un objet théâtral et une expérience esthétique qui pourrait donner axcès à des problématiques existentielles, conceptuelles et à des questionnements. Ceci ne ressemble donc pas à un exposé. Bien que nous fabriquons quelque chose à partir de concepts et problématiques philosophiques.

 

Que vous soyez deux sur scène vous pousse-t-il dans une forme de dialogue?

J-L. H.: Nous réfléchissons sur le duo et sur la présence de deux personnes sur un plateau, mais pas tout le temps ni prioritairement sur le dialogue.

 

Comment choisissez-vous vos thèmes?

V. C.: Nous prenons des sujets qui sont très discutés dans la philosophie contemporaine. Par exemple l’homme rationnel – peut-il néanmoins entreprendre des actions déraisonnables? Ou la notion d’identité et de sa naissance au XVIIIe siècle – thématique, en l’occurrence, assez ambitieuses (Cogitoscipe épisode_1).

 

Qu’est-ce qui détermine à chaque fois le dispositif scénique?

V. C.: D’abord nous travaillons en amont sur des champs très précis. Puis sur des textes que nous rédigeons nous-mêmes à partir de ce qui a été expérimenté sur le plateau. Nous tournons ainsi autour de notre thématique, et progressons pour obtenir un spectacle qui approche les 60 minutes.

J-L. J.: Nous proposons des situations de jeu entre les deux personnages. Mais l’espace a aussi son importance. L’orientation va donc aussi beaucoup venir du scénographe, qui va nous entraîner dans certaines directions. Ils formulent des idées qui vont encadrer notre concept.

 

 

Pouvez-vous prendre le cas précis de l’ Episode_4: Un homme mon fils?

J-L. H.: Pour l’épisode que nous sommes en train de travailler, où il est notamment question de filiation et d’héritage, Peter Stoffel nous voyait à la plage, sous les palmiers, davantage en train de fuir un héritage plutôt que de nous y confronter. Cette première proposition nous a amené à broder sur cette notion de la fuite liée à l’héritage. Nous avons improvisé sur la question de savoir ce qui pouvait amener ces deux personnages à être convoqué dans une station balnéaire pour régler une succession. Ce sont autant de nœuds qui nous permettent de construire une narration, une dramaturgie.

V. C.: Cette intrigue minimale va nous permettre d’introduire par exemple des postulats proposés par Nietzsche dans La Généalogie de la morale. Cela va induire des mouvements, des récurrences sur le plateau – suivre l’héritage, c’est se retrouver dans une chambre impersonnelle au borde de la mer…

 

Cherchez-vous à créer des formes inédites?

Pas inédites, mais qui correspondent bien au sujet que l’on traite. Par exemple Nietzsche propose une analyse des émotions qui était très originale. Tout cela contribue à créer une atmosphère. Nietzsche amène aussi à Wagner, qu’il a beaucoup admiré avant de le haïr. Cela nous a conduit à adopter une gestuelle d’opéra. Certains thèmes ont suscité des chorégraphies, moins celui-ci, dont le rendu est plus minimaliste.

 

Incarnez-vous sur scènes des personnages récurrents d’un épisode à l’autre?

Nous préférons privilégier une forme d’indétermination. Sont-ils frères, père et fils, se connaissent-ils de longue date, sont-ils en couple? Les spectateurs projettent leur imagination dans ces questions.

 

Apportez-vous des solutions, des conclusions aux thèmes que vous abordez?

Pour les conclusions, non, pas au sens philosophique du termes. Par exemple comme une thèse, une proposition de philosophie morale. Mais, on pourrait dire qu’il y a des prémisses. Pour les solutions, il y a une intrigue minimale qui finit par trouver un aboutissement et une voie de sortie du problème. Il y a une issue.

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Le Cogitoscope
Episode_4: Un homme mon fils
Du 12 au 15 juin 2019 à Genève au Grütli, Centre de production et de diffusion des Arts vivants.

Renseignements et réservations au +41.(0)22.888.44.88 ou sur le site www.grutli.ch

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