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Les plumes féminines du Poche

Publié le 23.09.2015

 


«Le nouveau Poche ressemble plus à une page blanche sur laquelle les auteurs écrivent ce qu’ils ont à dire». Jeudi dernier, son nouveau directeur Mathieu Bertholet annonçait la couleur lors d’une ouverture de saison très fréquentée, où il aurait presque fallu pousser les murs pour faire entrer les artistes et son public. La nouvelle ligne graphique de l’institution genevoise atteste du virement de bord entamé par son nouveau capitaine: mettre l’écriture au centre.

Pour ce faire, Mathieu Bertholet et son comité de lecture ont sélectionné les textes d’auteurs vivants qu’on découvrira au fil de sa programmation. Onze textes, pour qui le Valaisan a choisi un metteur en scène. Il agrandit également la nouvelle équipe de son théâtre en lui associant un dramaturge à demeure, par ailleurs auteur. Cette saison, Guillaume Poix œuvrera pour chaque projet.

 

 

Mais le nouveau responsable de l’institution genevoise n’en reste pas là. En relayant l’une des rares directrices de théâtre à Genève (Françoise Courvoisier vient de quitter le Poche après dix ans de direction), il choisit précisément de consacrer sa première saison aux femmes: sa saison «Unes». Neuf auteures sont au programme d’une année tout spécialement dédiée à l’écriture féminine.

Ayant lui-même été auteur en résidence dans plusieurs institutions, dont la Comédie de Genève et le Grü (alors codirigé par Maya Bösch et Michèle Pralong) il y a quelques années, Mathieu Bertholet, traducteur et metteur en scène, connaît son sujet. Formé à l’écriture scénique au sein de l’Université des Arts de Berlin, il codirigeait cette année encore le département d’écriture dramatique de l’Ensatt à Lyon aux côtés du dramaturge Enzo Cormann.

 

«Du jamais fait en Romandie»

Et comme Mathieu Bertholet aime particulièrement le plaisir des mots, il nous présente aussi deux nouveaux types de propositions artistiques, les «cargo» et les «sloop». Les premières suivent le mode de production théâtral classique, à savoir quatre à six semaines de répétitions pour trois semaines de représentations (il y en aura trois dans la saison). Mais c’est avec ses «sloop» ou «chaloupe» - («Sur le Léman, c’est un toucan», annonce-t-il) qu’il apporte son lot d’innovation. «Du jamais fait en Romandie». Le principe? Une forme plus légère produite en quatre semaines de répétitions, qui permet de combiner plusieurs textes tous joués par les mêmes acteurs, et présentés lors d’intégrales certains week-ends.

 

Comédies allemandes

On démarre avec le premier Sloop ces jours-ci et deux savoureuses comédies de l’Allemande Rebekka Kricheldorf, mises en scène par Guillaume Béguin qu’on a souvent vu monter des textes contemporains en Suisse romande. Villa Dolorosa et Extase et Quotidien sont joués par un même collectif de sept acteurs (Caroline Gasser, Jean-Louis Johannides, Matteo Zimmermann, Lara Khattabi, Nastassja Tanner, Tiphanie Bovay-Klameth). On pourra voir les deux pièces d’affilé lors d’intégrales programmées deux week-ends d’octobre. Dans Villa Dolorosa, adaptation contemporaine des Trois Soeurs de Tchekhov, «un ennui jouissif ressemble à un ennui qu’on vit tous». Trois actes pour le même scénario, l’anniversaire d’Irina, qui fête d’abord ses 28 ans. Rebelote l’année suivante pour ses 29 ans, puis idem pour ses 30 ans au dernier acte. On reste dans la fresque familiale avec Extase et Quotidien, qui tient plutôt du vaudeville et active les ressorts du boulevard, en dit Mathieu Bertholet, qui a assuré la traduction de la pièce en français.

 

 

Novembre, le mois de la danse

Au POCHE /GVE, le mois de novembre sera le mois de la danse. Deux figures incontournables du XXème siècle, Merce Cunningham et Pina Bausch, seront au cœur de l’écriture de Julie Rossello-Rochet. «L’auteure, une universitaire française, documentaliste, a fabriqué une langue poétique pour parler de ces deux personnages» et de leurs relations amoureuses. La danseuse Tamara Bacci incarnera la chorégraphe allemande et le Lausannois Fabrice Gorgerat en signera la mise en scène. Puis, dans son récit autobiographique Regarde Maman, je danse, l’auteure belge Vanessa Van Durme incarnera elle-même «ce petit garçon devenu femme et danseuse». De la même auteure, Avant que j’oublie, évoquera la fin de vie de sa mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. 

 

Paysage intérieur brut

En fin d’année, quatre auteures seront portées sur les planches par une metteure en scène romande. Anne Bisang montera trois monologues poétiques, les Guérillères ordinaires, de la française Magali Mougel, dont un récit imaginaire autour d’une fenêtre ouverte par Véronique Courjault. PIB, «le paysage intérieur brut d’une femme qui épluche des pommes de terre» de Marie Dilasser sera mis en scène par Barbara Schlitter, danseuse romande formée à la mise en scène à La Manufacture de Lausanne. Place sera également faite au dialogue intérieur de Louise Augustine. La Genevoise Nadège Réveillon convoque avec une infinie poésie l’histoire de cette jeune femme internée pour hystérie à la Salpêtrière dans le service du Professeur Charcot. Pour clore ce Sloop 2, Michèle Pralong s’attellera au texte de Claudine Galea tissé à partir de la photo d’une soldate américaine tenant en laisse un prisonnier irakien dans la prison d'Abou Ghraib, une pièce où temps et personnages disparaissent.

 

Conte cruel et nuit d’errance sur Internet

La fin de saison s’adressera tout particulièrement aux jeunes. Le nouveau Festival CTRL-J est dédié aux 15-25 ans, en partenariat avec Am Stram Gram et le Théâtre de Carouge. Le Poche accueillera également les 3èmes Rencontres du Théâtre suisse qui se dérouleront en mai prochain. Mais d’ici là, répondant à une commande d’Hervé Loichemol à la tête de la Comédie de Genève, Valérie Poirier, dont on connaît les récits tragi-comiques poignants, abordera les violences conjugales dans un Conte cruel mis en scène par Martine Paschoud, ancienne directrice du Poche. Enfin, Pauline Peyrade présentera CTRL-X, «une nuit d’errance sur internet». Les pages web que consulte Ida, les musiques qu’elle écoute ou ses échanges de textos révèleront l’état d’esprit de la jeune femme. «Le texte qui ressemble le plus à notre époque», se réjouit Mathieu Bertholet, qui présente ainsi un vaste panorama de formes et d’écritures d’aujourd’hui célébrant les plumes féminines et les thématiques qui les concernent. Un nouvel élan prometteur. 

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

Découvrez toute la saison du POCHE /GVE sur leprogramme.ch ou sur le site du Théâtre www.poche---gve.ch

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