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Musique classique, jazz et créations au cœur de Genève

Publié le 11.05.2019

 

Les Athénéennes 2019, ce sont huit soirées qui se tiendront du 6 au 14 juin dans le quartier de la Rôtisserie à Genève. Plus de cent cinquante artistes, vingt-deux concerts dont sept créations et trois ciné-concerts, et deux Dj sets se répartiront l’affiche entre la salle de l’Alhambra, le Temple de la Madeleine et l’Abri, une proximité choisie pour mettre en lien des publics qui ne se rencontreraient peut-être pas.

Des œuvres de Mozart, Messiaen, Bach, Schubert, Morton Feldman, du nu-jazz au hard-bop tribal progressif, du swing cabaret au psycho hip-hop, de la musique ancienne à la musique traditionnelle syrienne, une programmation variée dont le pianiste Valentin Peiry, qui codirige le festival depuis sa création avec Audrey Vigoureux et Marc Perrenoud, nous dit tout.

 

Musique classique, jazz, musique contemporaine, mais aussi ciné-concert et Dj set, pouvez-vous revenir sur les motivations de la création de ce festival sans «étiquette»?

Nous sommes avant tout trois amis, dont les orientations artistiques différentes nous ont donné envie de créer un événement dans lequel se rencontrent la musique classique, le jazz et la musique contemporaine, constatant que dans le paysage culturel ces genres restent souvent cantonnés à leurs milieux. Dans cette démarche d’aller au-delà des étiquettes, chaque soirée a été imaginée comme un voyage qui a son équilibre et sa cohérence, mêlant musique classique, contemporaine et jazz en début de soirée et se terminant de manière plus festive avec du rock, du cabaret ou de la chanson. Le concept convainc et rassemble, comme en témoigne le public chaque année plus nombreux.

 

Le fil rouge du programme s’articule cette année autour du thème de la spiritualité. Comment ce propos s’est-il imposé à vous?

La spiritualité oui, mais avec un point d’interrogation. En tant que musiciens, nous ne pouvons que constater que le monde qui entoure cet art a tendance à être très marchand de nos jours, comme dans beaucoup d’autres domaines. Au vu de cette réalité, nous nous sommes demandés ce qui subsistait de la spiritualité au 21ème siècle dans l’art et dans la musique en particulier, avec une dimension un peu militante dans le sens où l’art a des chances de rester spirituel à condition qu’il ne se soumette pas aux diktats de la rentabilité et du marketing.

Parmi les œuvres directement en lien avec la spiritualité, il y aura notamment les Trois petites liturgies de la Présence Divine de Messiaen, composées pendant la seconde guerre mondiale et très rarement présentées à Genève. Elles seront interprétées par le grand pianiste Nicholas Angelich, lauréat des Victoires de la musique 2019 en tant que soliste de l’année. Il jouera avec L’Orchestre de Chambre de Genève, le Chœur Spirito et Jacques Tchamkerten, sous la direction de Pierre Bleuse, l’un des chefs d’orchestre les plus doués de sa génération.

Durant la semaine, le quatuor Bela fera entendre le dernier quatuor de Beethoven op.135, tandis que le jeune ensemble vocal genevois Les Argonautes fera un grand écart esthétique et historique en présentant la luxuriante polyphonie des Motets de Bach et The Rothko Chapel de Morton Feldman, un hommage au peintre Rothko destiné à être joué dans sa chapelle éponyme – lieu de recueillement non confessionnel situé aux États-Unis.

 

Les Athénéennes, ce sont aussi sept créations tous genres confondus.

Promouvoir les nouvelles créations fait partie de la mission que nous nous sommes donnée, car dans le paysage culturel, le milieu de la musique dite classique reste relativement cantonné au répertoire, et celui de la musique contemporaine s’adresse souvent aux spécialistes. Notre intérêt se porte à défendre des artistes vivants qui créent de la musique dans un cadre où il y a de la musique classique, offrant un dialogue entre les époques, des ponts entre les publics.

Deux créations romandes seront à l’honneur le lundi 11 juin notamment: Scherzophrénie, de Richard Dubugnon, écrite pour le Quintette de cuivres de Genève, évoquant non sans ludisme l’expressivité de la musique postromantique de Strauss ou le funk des années septante, et un très beau catalogue de pièces variées conçu par le pianiste Yannick Délez développant un style très personnel aux harmonies raffinées et nostalgiques, et ménageant une place importante à l’improvisation. Une musique intime et inclassable que l’auteur qualifie de «jazz impressionniste».

A noter également l’octuor pour cordes et vents Passage éclair, du compositeur et violoncelliste Raphaël Merlin, le vendredi 14 juin, sorte d’introduction au sublime octuor de Schubert qui se donnera juste après avec la même formation, ou encore les ciné-concerts du jeudi 13 juin où le pianiste et compositeur grand spécialiste du ciné-concert Karol Beffa, le groupe jazz-funk Organic Flower et le multiclaviériste virtuose de l’électronique Pierre Audétat, proposeront des musiques inédites en accompagnement de courts-métrages de styles et d’époques différents.

 

Une autre création incontournable, celle de Gérard Depardieu qui livrait un vibrant hommage à Barbara l’an dernier.

Gérard Depardieu a vraiment apprécié le festival, et comme nous avons découvert qu’il était très attaché aux écrits de Saint Augustin, dont il a déjà fait quelques lectures des Confessions, nous lui avons proposé de revenir cette année pour partager ces mots qui lui tiennent tant à cœur. Cette lecture sera ponctuée des compositions du groupe Jasmin Toccata, où Jean Rondeau, Keyvan Chemirani et Thomas Dunford ont imaginé une rencontre entre le monde baroque et celui de la modalité orientale, unissant les timbres chaleureux du luth, du théorbe et du clavecin aux douces percussions mélodiques persanes.

 

 

Côté jazz, le festival accueillera, entre autres, Yaron Herman en trio et Émile Parisien en quartet.

Le grand pianiste franco-israélien Yaron Herman présentera en deuxième partie de la soirée d’ouverture, son nouvel album Songs of the degrees, qui vient de paraitre sur le légendaire label Blue Note. Un retour aux racines, jazz en trio sans garde-fou qui mêle mélodies imparables et transe organique. Concernant le saxophoniste français Émile Parisien, je crois que sur la scène jazz, il n’y a sans doute aucun musicien européen autant plébiscité que lui, pour avoir notamment réussi à donner une nouvelle direction à son instrument, dans la lignée de Sidney Bechet ou John Coltrane, faisant ressortir la sonorité incisive de l’instrument, son vibrato, sa vitalité et le replaçant au centre de propositions artistiques inédites. Il nous présentera son nouveau disque, Double Screening, où sa musique visionnaire reste généreuse et joyeuse.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Festival Les Athénéennes 2019, du 6 au 14 juin à Genève à l’Alhambra, au Temple de la Madeleine et à l’Abri.

Programme complet et réservations sur le site du festival www.lesatheneennes.ch

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