Ré-enchanter l'eau des lacs et des rivières

Am Stram Gram invite à se jeter à l'eau à l'occasion d'un Agora à découvrir les 6 et 7 mai. La formule est désormais connue: inviter des jeunes, des très jeunes, des moins jeunes et des experts à dialoguer au sujet d'un thème d'actualité à potentiel anxiogène. Et de jouer, de discuter à la recherche de solutions au fil d'une multitude de spectacles, d'ateliers, de jeux, d'expositions et de débats.

Chez Am Stram Gram, un Agora est avant tout une grande fête. La dramaturge des lieux, Hinde Kaddour, développe cette volonté d'apporter de la joie, et présente une partie des animations proposées. Oups, précisons que cette fois-ci, il sera question de l'eau, nécessaire mais moins suffisante qu'autrefois.


Les thématiques de vos agoras ciblent toujours des sujets sensibles. C’est le cas de l’eau, dont l’actualité ramène à la sécheresse, à la pollution... Les titres des spectacles et ateliers donnent cependant l’impression que votre approche sera clairement décrispée.


Hinde Kaddour.: C’est exact. D’abord, je dois rappeler que nous imaginons toujours nos Agoras comme des grands moments de fête. Que cela soit avec les spectacles, les ateliers, les jeux. Du toit du théâtre jusque dans la grande salle en passant par le foyer et la galerie, nous privilégions aussi les échanges.
 
Nous essayons chaque fois de nous emparer d’un thème qui anime l’enfance et l’adolescence d’aujourd’hui.

Nous déployons la thématique avec artistes et experts sans jamais perdre notre cap: il faut que nous proposions des moments de joie, dans lesquels les générations se mélangent, dialoguent et au cours desquels la parole de toutes et tous ont la même valeur - les tout petits au même niveau que les parents et les grands professeurs. C’est le principe de nos Agoras.

Et pourquoi l’eau?

C’est une intuition de Yoann Mompart. Quand j’étais petite la sécheresse et le manque d’eau ne concernaient que des pays lointains - souvent l'Afrique sub-saharienne. Désormais cela concerne nos territoires. La sécheresse hivernale est un sujet de tension ici. Appréhender cela implique d’aborder des thèmes immenses et complexes, comme de rapport au vivant, à la nature.

Comme vous le savez, le droit à l’eau est un droit humain, un droit à la vie. Et nous avons tous intégré que la moitié de la population mondiale pouvait en être privé.
 


Alors quand on organise une «fête» de deux jours sur ce thème, qu’est-ce qu’on fait?


Cette fois-ci, nous n’avons pas envie de trop faire de pédagogie. Les enfants sont devenus des experts en écogestes - tous savent qu’il ne faut pas laisser couler l’eau pendant que l’on se brosse les dents, etc. Donc, pour répondre à votre question, notre idée consiste à aller plus loin, et de changer le regard que nous portons sur l’eau. Nous avons envie que les participants à nos deux jours de fête retournent chez eux en voyant différemment l’eau de nos lacs, de nos rivières, et qu’il en soit de même avec celle qui coule du robinet. Notre ambition est de ré- enchanter l’eau, de lui ré-insuffler ses mystères!


 Un exemple?


L’Atelier de l’Association pour la Sauvegarde du Léman (ASL) qui va permettre de découvrir la micro-faune et la micro-végétation du Léman. Avec des microscopes, les participants découvrent ce monde invisible et fascinant. C’est donc un moyen de ré-enchanter l’eau par des moyens scientifique.
 

Et par des moyens non-scientiques?

Patrick Mohr propose un atelier du vivant hors les murs au bateau Genève, En bateau. Son idée est de se reconnecter avec du vivant en donnant la possibilité aux participant-e-s d’expérimenter d’autres formes de vie, en s’incarnant.. par exemple en rivière. L’idée est de se décentrer, de réussir de sortir quelques minutes de son rôle d’humain «dominant».

Comment?

Avec Patrick Mohr, cela passe beaucoup par le rituel, par le sensoriel et la parole.
 C’est un atelier très ludique et ouvert aux familles. Nous précisons beaucoup les âges dans notre programme. Ce sont les âges indicatifs à partir desquels il est conseiller de participer. Mais ils sont tous intergénérationnels, les parents sont les bienvenus.
 


Dans un autre genre, je peux aussi mentionner l’atelier Phil’Eau avec Alexandre Herriger , qui pratique le dialogue philosophique avec les enfants. Cet Agora sera l’occasion de savoir si l’eau a des droits. Avec cet espace de parole, nous ne sommes pas dans une transmission de savoirs, mais au contraire dans un échange de vue et un partage d’idées, bienveillant, et forcément très fluide!


Faire de la philosophie avec de l’eau!

C’est aussi l’objectif d’un projet que je mène avec un échange entre deux enfants et Frédéric Pitaval, un ingénieur qui se consacre à la reconnaissance de la nature. En amont, j'ai discuté avec les uns et les autres sur la question: l’eau est-elle une personne, et je dirigerais le débat entre eux - ils ne se verront pas avant -, un débat qui laissera aussi un temps pour les questions du public. L’idée est là encore d’aborder des questions importantes à la hauteur d’un enfant de huit ans - même si les deux enfants qui serons sur scène sont un peu plus grand.


Le programme mentionne aussi des jeux, des ateliers pour les petits, des expositions. Reste-t-il un peu de place pour les spectacles?


Oui, mais je voudrais juste dire un mot sur un atelier de phyto- épuration, dans lequel chacun pour découvrir l’ingénierie naturelle de l’épuration, et réaliser sa propre création.
Pour les spectacles, c’est un peu délicat. H2O, pour les plus jeunes affiche complet depuis déjà longtemps. Je dirai juste que l’Hélios Theater a un rapport à la matière exceptionnel - le bois dans un précédent spectacle, et cette fois-ci l’eau - et propose d’abord des jeux sur la musique et le reflet de l’eau, pour finir par inviter les petits sur scène - comme pour la rendre à la jeunesse, comme si les jeux théâtraux étaient toujours des jeux d’enfants.


Reste les spectacles de la Cie Trois points de suspension, reconnue et appréciée pour ses spectacles loufoques et ses fantaisies documentées...

... Sur lesquels nous devons restons très discrets. Le premier s’intitule Et si on montait une société secrète pour sauver les rivières?... Sur lequel nous nous sommes engagés à respecter le secret. Les spectateurs qui s’inscrivent ne savent même pas où le spectacle aura lieu. Ils l’apprendront pas SMS! J’ai en revanche le droit de vous dire qu’il y aura deux représentations samedi, à 11h et 18h.


Un élément didactique pour terminer cette présentation incomplète de votre programme?


Il y aura huit grands panneaux sur le toit du théâtre. C’est une visite accompagnée préparée par Terragir – énergie solidaire et label-Vie. Ils abordent des thématiques telles que Pourquoi l’eau a-t-elle été privatisée, financiarisée? Comment cela se passe-t-il en Suisse? Cela évoque la consommation visible mais aussi la consommation invisible - par exemple les 8000 litres d’eau nécessaires à la fabrication d’un jeans.

J’ai fait lire ces panneaux à des enfants et ils étaient contents car les textes mentionnes chaque fois des solutions détaillées. Et donnent en définitive envie de changer les pratiques et les habitudes.
 


Vos Agoras attirent le public genevois, le concept est défini. Avez- vous l’ambition de partager cette expertise et de permettre à d’autres publics de les découvrir?

Absolument. C’est encore un projet, mais les Agoras vont profiter d’un financement Intereg et devenir nomades. Actuellement, je peux citer l’Usine à Gaz de Nyon, Château Rouge à Annemasse, les Théâtre de Bourg-en-Bresse et les scène du Jura (français). L’idée est que chacun s’empare du projet avec les ressources de son propre territoire, tout en permettant aux animations de circuler sur le modèle des vases communications. La mobilité de nos Agoras est bien engagée!


Propos recueillis par Vincent Borcard


L'Eau - Agora
Les 6 et 7 mai au Théâtre Am Stram Gram

Informations, réservations, horaires, programme complet:
https://www.amstramgram.ch/fr/programme/h2o