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Une saison de création à Am Stram Gram

Publié le 04.06.2018

 

«Chaque saison est une page blanche qui doit trouver son mode d’écriture. Un récit qu’on doit être en mesure de déséquilibrer et de réinventer chaque saison pour continuer de se sentir totalement vivant et d’habiter le présent au mieux avec les enfants, les parents, les grands-parents et tous les autres.» C’est sous la forme d’une histoire racontée par un petit garçon de cinq ans, Oscar, que la saison du théâtre Am Stram Gram à Genève a vu le jour sous la plume de Fabrice Melquiot. On y découvre un programme fait de 23 créations sur 25 spectacles à l’affiche, avec autant de propositions artistiques variées qu’inédites, représentatives de la pluridisciplinarité des arts de la scène contemporaine.

Avec un taux de fréquentation supérieur à 80% chaque année, le Théâtre Am Stram Gram offre un espace où la poésie croise la liberté et où la proximité avec le public est une question fondamentale.

 

Verte en 2017/2018 avec le thème Jardins, paysages, habitants, quelle couleur prend la saison d’Am Stram Gram cette année?

Il n’y a pas de ligne de force à proprement parler dans la saison, comme ça a été le cas la saison dernière. Mais notre force est assurément celle de la nécessité de la confiance, en soi, en l’autre, quelque chose que nous tentons de transmettre aux enfants à Am Stram Gram. Et c’est ce que nous affirmons, en tant que centre de création, en présentant 23 spectacles en cours de conception sur 25.

 

La création en fer de lance, l’ouverture de saison du 14 septembre donnera un avant-goût de ce que proposeront les productions issues du Laboratoire spontané d’Am Stram Gram.

Sur le modèle des spectacles en création, je ne dispose que de peu d’éléments pour attiser votre curiosité pour le moment, mais cette soirée réunira sur scène la chanteuse lyrique Prune Guillaumon, le beatboxer Speaker B et le chanteur Jerrycan.

En septembre, pour Dance me please play me, le premier Laboratoire spontané de la saison, cinq musiciens et cinq danseurs se partageront la scène avec cinq personnes du public. Chaque volontaire s’avancera à son tour pour raconter un souvenir d’enfance, un temps du souvenir qui aura été répété auparavant, lequel sera retranscrit instantanément dans une approche chorégraphique par un danseur. Dans un troisième temps, un musicien s’ajoute, ainsi qu'un créateur lumière, donnant naissance à un solo chorégraphique inédit.

Le laboratoire spontané, c’est un ensemble de rendez-vous tout au long de la saison, dont la 2èmeédition de La nuit au théâtre et son programme surprise, c’est aussi Libres et sans filet, un nouveau principe basé sur l’improvisation musicale poétique et théâtrale, ou encore deux Bals littéraires costumés, celui de l’Escalade au Théâtre début décembre et au Musée d’Ethnographie de Genève (MEG) pour clôturer la saison autour des contes populaires européens. C’est A(E)NTRE, un spectacle déambulatoire imaginé par Emilie Blaser autour du Théâtre Am Stram Gram et de l’histoire de son architecture. C’est aussi La brioche des mioches, le fameux petit déjeuner du dimanche matin où nous aurons le grand plaisir de retrouver le groupe Elvett pour un projet théâtral de leur cru. C’est encore une rencontre avec nos cousins du Made in Antigel lors d’une soirée mystérieuse intitulée Blind date, élaborée avec le concours de Rémi Furrer, le directeur technique du théâtre, et François-Xavier Thien, notre régisseur général.

Le laboratoire spontané est vraiment un espace d’inconnus où le spectateur ne sait pas ce qu’il va vivre. Et les spectateurs nous témoignent une confiance et une curiosité renouvelées qui nous encouragent à orienter encore plus la maison vers la création. Car la mission d’un centre de création est aussi celle des ressources, tant pour les compagnies dans l’aboutissement de leurs projets que pour les spectateurs dans la perception qu’ils ont des spectacles. Am Stram Gram est une maison de théâtre où l'on vient aussi assister à la naissance d’un spectacle, où l'on vient participer à la première rencontre et je crois qu’il y a quelque chose de très privilégié dans ce rapport-là.

 

Est-ce dans cette perspective que vous avez créé un collectif de programmation incluant des enfants pour préparer la saison 2019/20?

2018/19 sera bien ma dernière saison de programmateur exclusif. Cela fait plusieurs saisons que ce collectif s’élabore. Il est à présent formé de cinq membres de l’équipe d’Am Stram Gram, dont je fais partie, et d’un groupe de cinq compagnons et compagnonnes, à savoir des jeunes de 9 à 17 ans, très engagés dans nos ateliers de pratiques artistiques et qui ont déjà acquis un regard aiguisé à travers leur expérience de spectateur averti. Nous ne sommes pas un théâtre pour enfants, nous sommes un théâtre qui fait des enfants ses spectateurs privilégiés et je pense que les intégrer dans le choix de la programmation est aussi un des rôles d’un théâtre de création, si on considère la programmation comme un acte d’écriture. J’appartiens depuis des années à une coopérative d’écriture et je participe à beaucoup de performances d’écriture collective. J’ai vraiment pu vérifier qu’écrire à plusieurs est possible, alors pourquoi ne pas faire de la possibilité d’écrire la saison de ce théâtre à plusieurs une perspective?

 

 

Est-ce difficile d’allier votre occupation de direction et celle d’auteur?

L’écriture est quelque chose qui fait tellement partie de mes besoins élémentaires vitaux, à une forme d’équilibre, que je trouve toujours le temps. Et que le temps au fond, quand il y a du désir, on se découvre une capacité d’en fabriquer. Évidemment les journées sont très pleines et les nuits très courtes, mais être au sein de la petite tribu d’Am Stram Gram, notre petite compagnie, c’est aussi un regain d’énergie qui nous permet d’être dans l’action et sur plusieurs fronts. Ma relation à l’écriture s’en trouve modifiée, vitalisée, par ma présence au théâtre, pour le meilleur.

 

Parmi les créations de la saison, plusieurs aborderont des sujets profonds, à l’image du spectacle Les tactiques du Tic Tac de Muriel Imbach qui traitera de la notion du temps, et de Maelström, l’histoire d’une jeune fille sourde qui part à la rencontre d’elle-même.

Il est difficile de dégager une dominante car la saison est très moirée, on va passer de certaines propositions très comiques et ludiques à d’autres, dont les sujets semblent plus graves, avec aussi une variété d’âge d’accès très large.

La première création maison, intitulée Non! Je ne veux pas, accessible dès deux ans et demi, est une invitation à Marjolaine Minot, formée à l’école Dimitri, que j’ai découverte à travers son spectacle solo, J’aime pas l’bonheur, passé à l’Alchimic récemment, comme Hang up auparavant. Je lui ai proposé de rencontrer le beatboxer Speaker B et la chanteuse lyrique Prune Guillaumon. C’est Marjolaine qui a décidé de travailler autour de l’enfant en bas âge, cet enfant qui se découvre en position de refuser et de se révolter. Je pense que le spectacle sera extrêmement ludique et dynamique, et qu’il y aura probablement un travail autour du clown, mais là encore je ne peux faire que des suppositions puisque le spectacle est encore en chantier.

Des spectacles à destination du public adolescent aborderont des sujets plus graves, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas aussi une part de légèreté, de drôlerie ou de comique, comme dans Maelström, mais aussi dans Dan Då Dan Dog de Rasmus Lindberg, le dyptique présenté par le Théâtre du Rivage.

Le travail de Muriel Imbach s’oriente autour des grandes questions fondamentales de ce qui fait le vivant et l’inerte aussi. Elle abordait la mort dans Le grand pourquoi, la notion de genre dans Bleu pour les oranges et rose pour les éléphants. Pour Les tactiques du Tic Tac, elle s’est attaquée à la notion du temps, s’appuyant sur toutes ces expressions où le temps est convoqué, mais aussi le temps qui passe, jusqu’à l’obsession que certains lui vouent de nos jours.

 

 

On note une forte transdisciplinarité dans la plupart des productions. Qu’exprime cette tendance d’après vous?

C’est une façon de reconnaître qu’aujourd’hui les arts de la scène dialoguent entre eux au sein d’une même forme et que de nouveaux espaces restent encore à inventer. Depuis des décennies nous assistons au décloisonnement des disciplines artistiques dans un renouvellement des formes signifiant un enrichissement mutuel. En mélangeant l’art circassien à la littérature par exemple, c’est aussi le désir de liberté que nous transmettons aux enfants, une capacité à dialoguer avec l’autre qui est différent, qui a d’autres talents et d’autres préoccupations. À l’intersection de la danse et du théâtre, Youkizoum, de Madeleine Raykov, témoignera de la pratique actuelle des artistes vivants puisqu’elle l’abordera en tant que chorégraphe et comédienne dans une friction entre texte et musique aux côtés de la comédienne Esther Schätti, la pianiste virtuose Ève-Anouk Jebejian et du chanteur Jerrycan.

 

La danse sera par ailleurs bien représentée, avec en point d’orgue la venue de la cie Wang Ramirez, qui a notamment travaillé avec Madonna, avec qui vous créerez We are Monchichi en décembre.

Je suis très heureux d’accueillir cette compagnie car ce sont des chorégraphes qui travaillent dans un espace d’exigence à l’intersection de l’extrêmement pointu et du totalement populaire. Ils créeront la version jeune public de We are Monchichi, un de leurs grands succès internationaux. Soulignons également la présence du chorégraphe Pierre Rigal, qui questionnera la voix dans Merveille, avec deux chanteurs de l’Académie de l’Opéra de Paris.

 

Rendez-vous au Festival d’Avignon en 2019?

La saison sera effectivement un peu plus longue pour nous cette année puisque nous souhaitons que le Théâtre Am Stram Gram soit présent lors de la prochaine éditionsde ce grand festival avec, on l’espère, un ensemble de créations, mais tout est actuellement en cours de construction et je ne peux en dire davantage, mais nous y serons.

 

Propos recueillis par Alexandra Budde

 

Découvrez la saison 2018/2019 du Théâtre Am Stram Gram en détail sur le site www.amstramgram.ch

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