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Au TMG, l’habit fait le roi

Publié le 01.12.2015

 


La nouvelle directrice du Théâtre des Marionnettes de Genève, Isabelle Matter, présente l’un de ses textes fétiches sur la peur du ridicule et l’anticonformisme. C’est Noël, un roi bling-bling reçoit de belles chaussures en diamants avant d’enfiler un drôle de manteau que seuls les êtres intelligents seraient capables de voir. Tissé par des brigands, ce manteau est pourtant un leurre. Andersen en a fait un conte, repris à travers la littérature dramatique du Russe Evgueni Schwartz. Adapté aujourd’hui pour marionnettes par le dramaturge genevois Olivier Chiacchiari à la plume vive et satirique, Le Roi tout nu parlera à toutes les générations à travers le regard du petit Loulou. A découvrir en famille (dès 4 ans) du 1er au 20 décembre.

 

 

Isabelle Matter, metteure en scène et marionnettiste, présente Le Roi tout nu au Théâtre des Marionnettes de Genève, qu’elle dirige depuis le départ de Guy Jutard en juin dernier. Pour cette création destinée au jeune public, elle s’est adressée à l’auteur Olivier Chiacchiari. Le Genevois a ainsi adapté Les Habits neufs de l’Empereur, l’un des trois contes d’Andersen sur lesquels le dramaturge russe Evgueni Schwartz s’était lui-même appuyé pour écrire son Roi nu, pamphlet sur la montée du totalitarisme et du régime nazi. «C’est un livre que j’ai eu pendant longtemps à côté de moi. D’abord le conte d’Andersen lui-même, pour la fulgurance de son final, la dénonciation tout en drôlerie de la pensée unique, qui fonctionne très bien sur trois pages. J’ai toujours adoré la façon dont Schwartz le détourne pour parler aux adultes de sujets assez forts et critiques. L’envie de monter la pièce pour marionnettes, même si le texte ne s’y prêtait pas forcément, m’a toujours accompagnée», raconte Isabelle Matter entre deux filages.

 

Sens du rythme

Aujourd’hui, elle passe à l’acte, avec la complicité d’Olivier Chiacchiari, dont la plume vive et enlevée s’adresse pour la première fois aux tout-petits. «Olivier Chiacchiari possède le sens du rythme et c’est fondamental.» Pour marionnettes, on connaît de lui ce Vilain Petit mouton qui épinglait volontiers la Suisse xénophobe, du temps où un drôle de mouton noir figurait sur des affiches udécistes. Il est aussi l’auteur des Lois du marché, satire désopilante du monde économico-politique sous forme d’opéra-bouffe, pas très éloignée de sa Cour des Petits qui visait les rouages d’un dicastère de la Culture bien local. Toutes ces pièces ont été jouées au TMG.

 

Peur de se démarquer

Au sein de son théâtre ouvert à tous les publics, Isabelle Matter soigne ici particulièrement les plus jeunes. «J’ai eu envie de transmettre le texte aux enfants. C’est un conte d’habitude plutôt destiné aux adultes, qu’on ne lit pas forcément aux tout-petits. Mais il possède quelque chose de fondamental pour celles et ceux qui démarrent leur socialisation, débutent l’école, par rapport à l’appartenance au groupe notamment», détaille la metteure en scène. «L’histoire parle du conformisme, de la volonté de se ranger à l’avis commun même si ce n’est pas ce que l’on pense. On agit pour faire partie d’un groupe, ne pas avoir l’air d’un imbécile si on ne dit pas les mêmes choses que les autres. Le texte parle autant aux petits qu’aux grands. On a souvent eu l’envie de crier «le roi est nu!» à de nombreux moments de l’existence où il n’était pas évident de se démarquer», poursuit-elle.

 

 

La voix de Loulou

C’est la voix du jeune Loulou, fils d’un cordonnier et d’une couturière au service du roi, que l’on suivra au fil de la pièce. «Un conte est une matière dont on peut faire énormément de choses. On peut utiliser ses codes qui sont fabuleux: puiser dans un contexte lointain pour projeter en même temps des choses très proches. Parler d’un roi, d’une cour ne touche pas notre quotidien direct mais nous permet une transposition dans notre univers à nous», poursuit-elle. Pour Noël, un roi bling-bling reçoit de belles chaussures en diamants avant d’enfiler un drôle de manteau que seuls les êtres intelligents seraient capables de voir. Tissé par des brigands, ce manteau est pourtant un leurre déjoué par l’innocence de l’enfant.

 

Une leçon de courage et d’anticonformisme

Qu’est-ce que Le Roi tout nu nous montre à travers les valeurs que la pièce met en avant? «Etre soi demande du courage. On hérite d’une appartenance familiale, sociale. Ce n’est pas toujours facile de se démarquer, de pouvoir s’affirmer et d’en avoir la force. Il est toujours intéressant de questionner l’individu et son rapport au groupe. Plus on développe l’esprit critique et plus on peut éviter de tomber dans le totalitarisme et la pensée unique qui mène aux dérives qu’on connaît. Il ne s’agit pas seulement de franchise, mais aussi de courage. Olivier Chiacchiari a tout de suite introduit Loulou en poseur de questions et c’est bien.» Le théâtre est un endroit où l’on partage cette réflexion mais il faut que ce moment soit aussi un moment de plaisir, note encore Isabelle Matter. «C’est un spectacle fondamentalement critique qui se crée dans un esprit joyeux, avec des chansons. On est parfois entre la naïveté du conte et quelque chose de plus acide.»

 

 

Comme des marottes

La dernière création d’Isabelle Matter s’inscrit dans la continuité de son travail scénique, mais cette fois-ci en explorant de nouvelles techniques. «C’est un mélange de marionnettes à tiges et à gaines. Ce sont comme des marottes. Nous avions envie d’un principe très simple, basé sur l’empoignade directe du comédien. Nous sommes dans l’énergie du geste et non dans la dentelle comme avec le fil.» De quoi réjouir son public, jeune et moins jeune, et le tenir en alerte.

 

Propos recueillis par Cécile Dalla Torre

 

Le Roi tout nu, du 1er au 20 décembre, au Théâtre des Marionnettes de Genève. Dès 4 ans.

Informations et réservations au +41.22.807.31.07 ou sur le site du théâtre www.marionnettes.ch

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