Ecrin de velours et perles jazzy
C’est au cœur d’une ancienne ferme villageoise, nichée sur la commune genevoise de Collonge-Bellerive, que se concocte un concentré de rythme et de sensualité. Les chanteuses Mariama et Awa Ly y prennent leurs quartiers le samedi 27 février à 20h30. Entre soul, jazz et cadences ancestrales, les deux artistes se relaient sur la scène de l’Epicentre. Dans leurs bagages, une expérience du voyage, des découvertes en cascade, mais surtout une passion dévorante qui fait le pont entre un public en demande et deux voix envoûtantes. Si Mariama et Awa Ly font l’affiche, l’Epicentre se révèle être le point central d’une soirée qui s’annonce chargée en émotions. Rencontre en triptyque.
Un écrin de poche dans la cour des grands
Au premier contact, un bâtiment brut, la charpente d’une ferme comme une autre. C’est une fois la porte poussée que la chrysalide révèle ses charmes. Au cœur de l’écrin se love une salle de concert à taille humaine, qui a su séduire un public exigeant. En 2016, l’Epicentre célèbre son quinzième anniversaire, une belle histoire qui se répète d’année en année exclusivement grâce aux subventions de la commune. Au total, 130 sièges ou 250 places debout permettent d’accueillir des artistes au succès confirmé comme le Duo Malia et André Manoukian ou encore Daran, mais aussi des légendes en devenir telle que Lura, héritière encensée de Cesaria Evora.
Inaugurée le 1er décembre 2000, l’Epicentre est hébergée dans la Ferme des Margand, autrefois propriété d’habitants de la commune. Une ancienne grange des plus classiques, dont la fonction première fut d’abriter le bétail. On y trouve aujourd’hui plusieurs associations, toutes axées sur le thème de la culture. Le théâtre accueille concerts et projections cinématographiques. Le centre de loisirs du Point d’Interro et le Centre Artistique du Lac sont retranchés dans un second bâtiment; à leurs côtés ont pris place les bureaux du Service culturel de l’Epicentre.
Aux commandes de cette barque champêtre depuis 2004, Stéphane Radice y assure la programmation, pour le plus grand bonheur du public. Le jazz, la folk, la world music y sont à l’honneur. Le cadre intimiste conféré par l’Epicentre favorise un accueil chaleureux, mais aussi une écoute hautement qualitative. Une exigence de tous les instants a rendu l’Epicentre unique en son genre dans le paysage culturel genevois. L’installation du bar aux côtés de la salle, l’accent porté sur l’acoustique, les dimensions humaines de la scène confèrent à l’Epicentre son statut d’outsider… un outsider dont le succès va croissant depuis quinze ans déjà.
Passé-présent: une douce tornade
Le 27 février, ce sont deux artistes au parcours nomade qui viennent charmer le public de l’Epicentre. Parisiennes de cœur et de résidence, elles sont toutes deux originaires d’Afrique. La première nous vient de Sierra Leone. Née à Freetown en 1986, Mariama quitte le pays très jeune pour n’y jamais revenir. D’origine allemande par sa mère, elle grandit dans le pays de Goethe avant de s’installer dans la capitale française il y a maintenant cinq ans. Une ville à laquelle elle rend hommage à travers les épisodes de sa série sur Internet Take Me To Paris: Mariama emmène ses fidèles sur des lieux marquants de la Ville Lumière, des lieux à laquelle elle est particulièrement attachée. Sa touche personnelle? La présence d’un second artiste - Oxmo Puccino, Orelsan, Blitz the Ambassador, Faada Freddy, entre autres - avec lequel elle clôt la visite par un duo.
Si Mariama a compté sur sa soif de découvertes et une curiosité dévorante pour établir son éducation musicale, elle avoue avoir développé une affection particulière pour certains artistes: des voix immenses, telles que Ella Fitzgerald, Billie Holliday ou Louis Amstrong, mais aussi Miriam Makeba, Cat Stevens, Jacques Brel, George Moustakis, Freddie Mercury… et Joséphine Baker. Mariama a d’ailleurs repris son hit J’ai deux amours dans son premier album, The Easy Way Out. Un hommage chanté à la ville de son cœur, en forme de clin d’œil.
Découverte sur MySpace en 2009, Mariama porte haut les couleurs et les formes du vintage qu’elle affectionne tant. Souvent hésitante entre parcours classique – elle étudie les sciences régionales sur l’Amérique latine à l’université de Cologne – et la passion des arts qui l’attire irrésistiblement, elle multiplie les showcases et les collaborations inédites (Orelsan, Oxmo Puccino…). Son deuxième album, sobrement intitulé Moments Like These, est sorti l’année dernière. On y trouve cinq pépites acoustiques, des inspirations jazzy comme Mariama les affectionne, mais aussi une touche ouest-africaine grâce à la kora. Alors qu’elle tourne sans relâche, Mariama prépare déjà son prochain album, sur lequel elle aimerait impliquer d’autres artistes. Une existence sous le signe de la passion, assurément tournée vers un avenir conjugué au futur antérieur. Envoûtante.
Perle mystique
Awa Ly, c’est un volcan sous couvert de la force tranquille. Née à Paris de parents sénégalais, c’est à Rome qu’elle pose ses valises il y a 16 ans. Blues, soul et rythmes afro-cubains ont bercé son enfance. On retrouve cet héritage dans les dix titres de son prochain album, Five and a Feather. Awa Ly revendique un univers qui va au-delà du musical: elle se fait conteuse et caresse de son timbre vibrant les mots vrais de l’amour. L’amour brûlant, mais aussi l’amour qui fait mal. Une balade sentimentale, légère sans être désinvolte, chargée de références mystiques.
Pour son premier album Modulated, Awa Ly s’est entourée du compositeur et guitariste Massimo Giangrande. On trouve aujourd’hui à ses côtés le contrebassiste Greg Cohen – ancien comparse de Lou Reed et Marianne Faithful. Pour la réalisation de Five and a Feather, Awa Ly a fait appel au duo Jean Lamoot et Pascal Danae. Leur particularité? Une Victoire de la Musique en 2015, de nombreuses collaborations avec Bashung, Noir Désir, Ayo… La demoiselle, piquée par une saine curiosité et une ouverture d’esprit remarquable, fait les choses dans les règles de l’art. Et c’est un succès.
Ophélie Thouanel
Mariama et Awa Ly en concert à L’Epicentre - Collonge-Bellerive le 27 février 2016 à 20h30.
Renseignements et réservations au +41.(0)22.855.09.05 ou sur le site www.epicentre.ch
