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Le TFM sur la ligne de crête

Publié le 15.09.2020

 

La saison 2020-2021 du Théâtre Forum de Meyrin (TFM) se lance avec des spectacles forts cet automne, notamment des créations de compagnies associées – la Cie STT de Dorian Rossel la Cie Alias de Guilherme Botelho). Ce programme privilégie d’une manière générale les productions éclatantes. Si pandémie a obligé le TFM de programmer moins de spectacles, sa directrice Anne Brüschweiler insiste sur le fait que la variété de l’offre (théâtre, musique, danse, spectacles pour famille) a été préservée, ainsi que les créations. L’intitulé de la saison, Sur la ligne de crête, dit bien la dynamique qui prévaut.

La première partie de la saison permettra ainsi de se plonger dans le théâtre de Peter Brook (Why, du 3 au 5 décembre), aussi bien que de découvrir des bijoux pour jeunes et moins jeunes (Vie de papier, le 14 octobre, Le Carnaval des animaux, le 25 novembre) ou d’appareiller pour l’Orient avec l’orchestre Le Grand Eustache, le 15 décembre. Une saison qui s’annonce forte en émotions, à vivre résolument Sur la ligne de crête. Approfondissements avec Anne Brüschweiler

 

Le programme des premiers mois est flamboyant, avec trois créations (Camille et Robyn Orlin, Dorian Rossel (Cie STT), Guilherme Botelho (Cie Alias) auquel il est encore possible d’ajouter un temps fort consacré à David Geselson et un spectacle de Peter Brook. Est-ce délibéré?

Dorian Rossel et Guilherme Botelho sont des artistes associés au TFM. Quand ils ont une création, ils préfèrent la présenter tôt dans la saison: cela augmente les chances de tourner avec elle la saison suivante. Nous avons déjà connu cette situation. Quant au spectacle de Camille et Robyn Orlin, comme il s’agit d’une collaboration avec La Bâtie, il a forcément été programmé très tôt. Mais oui, le choix d’entamer cette saison particulière avec des spectacles fort est délibéré.

 

 

Dorian Rossel ouvre ce bal-là avec Madone, du 23 au 29 septembre.

Madone est parti de son envie de travailler sur Vassili Grossman. l’auteur de Vie et destin. Il s’est basé sur un texte qui évoque une Madone de la Chapelle Sixtine, et la bonté. La bonté, c’est un terme qui peut être considéré comme ringard. Il l’est beaucoup moins après six mois d’une pandémie, qui nous rappelé que nous devions nous soucier de notre prochain, des plus vulnérables. Je me réjouis de voir comment il va se saisir de ce sujet.

 

Guy Botelho et la Cie Alias serons sur scène du 27 octobre au 1er novembre avec The Young Gods et In C, une composition de Terry Riley.

Pour avoir assisté à des étapes de travail, je peux davantage en parler. Nous verrons défiler sous une douche de lumière, des couples de danseurs qui se rencontreront, se salueront, s’éviteront ou se télescoperont. J’ai réalisé - et ce n’était pas prévu lors de la conception du spectacle – que c’est tout ce que nous n’avons plus le droit de faire aujourd’hui!!!
Et cela avec les Young Gods qui interpréteront en direct In C, du compositeur américain Terry Riley.

 

 

Un autre temps fort de l’automne sera la représentation de trois spectacles de David Geselson, en novembre. Constellation Geselson?

C’est un dispositif que nous adoptons régulièrement pour présenter au public des créateurs peu connus chez nous, qui sont en train de s’imposer sur la scène internationale. Nous l’avons fait par exemple avec Les Chiens de Navarre ou Tiago Rodrigues, avec qui David Geselson a collaboré.
Il y a trois ans, il m’avait parlé de son projet de créer un spectacle autour de Nina Simone, qui est devenu Le Silence et la Peur (les 12 et 13 novembre). Je m’attendais à un spectacle musical, ce n’est pas tout à fait le cas, même si la bande-son est très élaborée.
Ce sera un spectacle multi-strates, avec le personnage de cette jeune femme, prodige du piano classique, qui ne peut intégrer les grandes écoles en raison de la couleur de sa peau. Nous la découvrons avec ses proches. Mais le récit montre aussi comment le racisme s’est enraciné en Amérique. C’est du théâtre documentaire au sens plein du terme.

 

Doreen (du 19 au 22 novembre) s’attache aussi à une personnalité, celle de l’intellectuel et théoricien de l’écologie politique André Gorz.

Geselson s’est appuyé sur un texte d’hommage de Gorz à sa femme qui avait été publié, peu avant que le couple se suicide – elle était très malade. C’est un spectacle très particulier pour quelque 90 spectateurs, qui prennent place sur scène, et assistent, comme des invités dans un salon, à une conversation entre Gorz et son épouse – cela commence par une scène de ménage -, qui, on le comprend au fil du spectacle, vivent devant nous leur dernière soirée.
Doreen est un cas particulier, mais la situation sanitaire nous oblige à limiter le nombre de spectateurs – et donc à prévoir davantage de représentations. Au cours de la saison, il y aura moins de spectacles, mais pas moins de représentations!

 

 

Les incertitudes liées à la situation sanitaire vous amènent effectivement à présenter une saison qui comptera moins de spectacles. Sur quelles bases avez-vous effectué vos choix.

Nous avons retenu plusieurs critères: le maintien de la diversité – musique, théâtre, danse, cirque et celui des spectacles en création initialement prévus. La raison en est simple: les artistes ont besoin que leurs spectacles existent pour qu’ils soient vus et puissent éventuellement tourner l’année suivante. Pour eux, une création annulée, c’est double peine.

 

Les spectacles pour familles?

Comme les autres, il y en à moins. Notamment cet automne, en raison des créations que nous avons évoqués, qui occupent chaque fois la scène plusieurs semaines. Mais nous aurons tout de même un Carnaval des Animaux, de Valérie Mréjen et Albin de la Simone (le 25 novembre, dès 6 ans), et avant cela un spectacle très particulier, Vie de papier (le 14 octobre, dès 11 ans), par la Compagnie Bande Passante. A partir d’un album de famille trouvé dans une brocante, et surtout du cliché d’une petite fille sur une plage à côté d’un drapeau nazi, ils ont lancé un travail de recherche, jusqu’en Allemagne, pour reconstituer son histoire. Sur scène, ils racontent cela avec des photos, un projecteur, et des vidéos… Jusqu’à ce que cette histoire rencontre la leur!

 

Il y a aussi des spectacles qu’on s’attend à voir au TFM et pas forcément ailleurs: Buster, les 10 et 11 février 2021!

C’est un peu mon chouchou! Mathieu Bauer dirige les assises du théâtre musical à Montreuil, et il crée des formes très originales. Buster part du film La Croisière du Navigator, de Buster Keaton. Il en propose un montage vidéo très astucieux, qui restitue à la fois l’histoire racontée dans le film et le contexte dans lequel il a été tourné. Le spectacle est beaucoup plus sophistiqué qu’un ciné-concert: il met en scène un acrobate et un comédien qui analyse le film, allant jusqu’à citer Deleuze. C’est très comique, et effectivement dans un genre inclassable que nous aimons beaucoup!

 

 

Deux créations sont également au programme de la deuxième partie de la saison.

Les Flyings, de Mélissa Von Vepy (les 15 et 16 janvier 2021). C’est une trapéziste d’origine genevoise qui a collaboré avec les plus grands, avant de créer sa propre compagnie. Elle était déjà venue avec Noir M1 il y a quelques années, un dispositif qui comportait un très grand balais de sorcières à partir duquel étaient racontées des histoires de fantômes de théâtre. Cela nous a convaincu de soutenir la création de son nouveau spectacle, Les Flyings. Ce ne sera pas forcément un spectacle de cirque pour famille. Soucieux d’en conserver un en salle, nous avons reprogrammé in Tarsi (le 5 mars 2021), qui avait dû être annulé le printemps dernier.

 

La dernière création est un spectacle de musique et de danse.

Oui. Mais un mot d’abord pour notre programmation musicale. Nous avons décidé de privilégier les artistes locaux, car ils sont moins reconnus - et disons, moins bien organisés - que les gens de théâtre. Nos deux grands concerts sont donc Le Grand Eustache (le 15 décembre), qui s’intéressera à la musique orientale, et Piano Quatro +, de François Lindemann (le 25 février 2021).
Mais le problème n’est pas que local. Le violoniste Gilles Colliard, qui a initié Partita Flamenco (le 25 mars), m’a dit avoir comptabilisé ce printemps une cinquantaine de concerts annulés, sans dédommagement! Pour celui-ci, il sera accompagné du compositeur et guitariste José Sanchez, de la danseuse Stéphanie Fuster et de la chanteuse lyrique Élise Efremov. Chacun doit travailler sa partie séparément, et la création se fera à Meyrin!

 

Un dernier coup de coeur?

Le vilain petit canard (le 24 février 2021). La Cie Scopitone met en route un disque qui raconte le conte. Et les deux artistes l’interprètent au 40e degré avec les moyen du bord, à savoir des trousses de coiffeur. C’est un dispositif très simple et irrésistible à l’intention des tout petits – et des grands comme moi!*

 

Propos recueillis par Vincent Borcard

 

Théâtre Forum Meyrin
Saison 2020-2021 – Sur la ligne de crête

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Photo Anne Brüschweiler © Ella Campbell

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