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Les Chaises en marionnettes au TMG

Publié le 18.02.2015

 

« Je me reconnais souvent dans les personnages de Ionesco »

 

Avant de quitter son poste de directeur du Théâtre des Marionnettes de Genève (TMG), Guy Jutard sera sur scène en compagnie de sa complice Chantal Péninon dans Les Chaises de Ionesco, monté il y a vingt-cinq ans à Paris et jouée quelque 160 fois. Au cœur de ce texte de 1952, deux personnages. Au soir de leur vie, Le Vieux et La Vieille font le bilan après 75 ans d’existence commune. Entre représentation et répétition, les deux protagonistes vont ranimer les figures qui ont peuplé leur passé à travers une assemblée d’invités imaginaires. Dans la version de Guy Jutard, le couple de comédiens sera doublé d’un duo de marionnettes. Dans un cadre haut en couleur, la farce tragique voulue par Eugène Ionesco tourne à l’atmosphère carrément clownesque grâce à cette mise en abyme miniature. Entretien avec celui qui est Le Vieux, dans la pièce : Guy Jutard.

 

Guy Jutard, quand et pourquoi avez-vous créé Les Chaises ?

 

L’origine de cette pièce date de vingt-cinq ans ! A l’époque, je faisais partie d’une compagnie française et je créais déjà des spectacles pour adultes et des spectacles jeune public. Un jour, j’ai eu l’intuition d’adapter Les Chaises pour deux marionnettistes. L’idée de cette mise en scène repose sur le fait que les chaises sont placées dans un castelet, ce petit théâtre miniature pour marionnettes. Ainsi, le public peut voir notre « cuisine » de comédiens pendant que nous jouons, Chantal Péninon et moi. La partition est double : les deux personnages du Vieux et de La Vieille portent une partie du texte et les marionnettes, conçues à leur effigie, en disent une autre part. Dans le texte de Ionesco, les deux personnages ne font qu’imaginer leurs invités sur ces chaises qui restent vides en réalité. Dans cette mise en scène, les chaises possèdent donc une allure. Par exemple, lorsqu’il est question de bébé, une chaise d’enfant est installée sur une deuxième chaise. Ou alors, il y a une chaise qui tremblote pour finalement s’affaisser, parce qu’elle a vieilli, etc.

 

Et pourquoi reprendre ce spectacle aujourd’hui ?

 

A l’époque où nous l’avons créé avec Chantal Péninon, en 1995, à Paris, c’était un spectacle emblématique. J’ai donc proposé d’en donner dix dernières représentations au TMG, pour marquer les treize ans que j’ai passés à mener la barque de ce théâtre. On l’a joué à plusieurs reprises, dont une fois en 2002, quand je suis arrivé ici. Donc ont la reprend maintenant, sachant que certains des spectateurs de notre public ne l’ont jamais vue.

 

Est-ce que cette version des Chaises représente donc en quelque sorte un « au revoir » à l’attention de votre public ?

 

Oui, c’est un peu cela, même s’il y aura une autre création dans quelque temps, une enquête policière dans le théâtre qui s’annonce désopilante… Mais oui, j’aime le thème des Chaises, où le personnage du vieux tente de délivrer un message, si tant est que j’ai délivré des messages pendant ces années de direction au TMG (rires). J’aime cet esprit chez Ionesco : quelque chose doit être dévoilé mais ne parvient pas à l’être… J’aime la sensibilité de cet auteur, son théâtre du vide, je dois dire que je me reconnais souvent dans ses personnages. Sans oublier que je suis né en 1950, et quand j’étais jeune, Samuel Beckett et Eugène Ionesco étaient deux auteurs très à la mode.

 

 

Depuis 1995, avez-vous changé quelque chose dans la mise en scène ?

 

Il y a beaucoup de détails avec les marionnettes, des jeux de regards, etc. Donc, même si ça ne se perd pas et que le texte revient rapidement, il fallait répéter… Après environ 160 représentations au total, nous sommes aussi devenus un vieux couple avec Chantal Péninon, comme nos personnages (rires)… Nous avons donc fait appel au comédien Xavier Loira pour qu’il nous apporte un regard neuf. Il nous a amenés à faire quelques modifications, avec de nouvelles impulsions, il a eu un regard frais sur l’histoire, même si la base reste la même qu’au moment de la création. Pendant ce spectacle, nous alternons entre des moments d’agacement et des moments d’une grande tendresse, les deux ingrédients liés à tout vieux couple. Nos personnages oscillent entre des instants de désarroi, des pertes de mémoire, des passages de rêverie, des contradictions, toutes ces choses que l’on retrouve souvent chez les personnes qui vieillissent, d’ailleurs.

 

Parlons un peu de votre départ à la fin de cette saison… Quel bilan tirez-vous de ces treize ans de direction du TMG ?

 

Chaque année est l’occasion de dresser un bilan… Mais ce que je peux dire, c’est qu’en 2002, j’avais comme souhait d’ouvrir le théâtre à des publics divers, aux adultes notamment. Et c’est réussi ! Avec, par exemple, le spectacle Les lois du marché, nous avons attiré 2100 spectateurs adultes sur vingt représentations. C’est énorme ! Pour moi, c’était l’aboutissement de douze ans de travail. Le développement du théâtre pour les bébés et les tout petits est aussi un beau succès. J’ai toujours eu un souci qualitatif, tout en privilégiant la diversité des formes. Et je dois dire que les spectateurs me font souvent part de leur surprise lorsqu’ils sortent du théâtre. Numériquement, on est passé de 160 représentations à 300 par an, avec les tournées en plus. Et avec le même budget.

 

Et après le TMG, que prévoyez-vous faire ?

 

J’ai quarante-six ans de travail derrière moi, je vais commencer par prendre une année sabbatique, réaliser ce que je n’ai pas eu le temps de faire ces dernières années. J’aurais 65 ans en juin, c’était le moment d’arrêter. J’ai des petits enfants, j’ai envie d’en profiter ! Et puis, tout ce travail au TMG était merveilleux, mais très accaparant.

 

Propos recueillis par Cécile Gavlak

 

Les Chaises du 19 février au 1er mars 2015 au Théâtre des Marionnettes de Genève. Renseignements au +41 22 807 31 07 ou sur le site du théâtre www.marionnettes.ch
Spectacle pour adultes et ados.

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